100% santé : Ministère et CDF dressent le bilan

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14 février 2022

Opinions du ministère

Une réforme qui atteint ses objectifs !

La réforme du 100 % Santé, promue par le Gouvernement et négociée avec les CDF pour le secteur dentaire, a permis de renforcer l’accès aux soins et d’améliorer la prévention en santé, s’est félicité Olivier Véran. Elle a profité à 6 millions de patients en dentaire.

Le comité de suivi de la réforme du « reste à charge zéro », rebaptisée « 100 % Santé » (1), s’est réuni en visioconférence le 25 janvier 2022, en présence d’Olivier Véran. L’occasion, pour le ministre de la Santé, de saluer le « succès » de cette « réforme de santé, de prévention, de lutte contre la perte d’autonomie, de pouvoir d’achat et de lutte contre la précarité », mise en place de manière échelonnée dès 2019. Elle « a su trouver son public » et « a atteint ses objectifs ». De fait, « 10 millions de Français en ont d’ores et déjà bénéficié », a-t-il annoncé.

6 millions de bénéficiaires en dentaire

Ils sont ainsi plus de 6 millions à avoir bénéficié du dispositif pour des soins dentaires. Rien que l’an dernier, environ 55 % des actes prothétiques dentaires (2) ont été réalisés sans reste à charge pour le patient (contre 52 % l’année précédente) et plus de 20 % avec un reste à charge modéré dans le cadre du panier « tarifs maîtrisés » (3). Sarah Sauneron, conseillère protection sociale au sein du cabinet du ministre des Solidarités et de la Santé, et Franck Von Lennep, Directeur de la Sécurité sociale, se sont réjouis « d’un tel niveau de pénétration » de la réforme en odontologie.

Le succès est également au rendez-vous en optique, avec plus de 4 millions de bénéficiaires depuis 2020, ainsi qu’en audiologie. En effet, 780 000 aides auditives 100 % Santé ont été délivrées depuis 2019 et le nombre de patients équipés a augmenté de 77 %.

Réactualisation des paniers en 2022

Le Gouvernement souhaite désormais consolider la réforme. Cela implique de continuer à « la faire connaître du plus grand nombre », comme l’a rappelé Sarah Sauneron, mais aussi de veiller à ce qu’elle reste « en adéquation avec les besoins essentiels des Français ». Un travail sera donc mené en 2022 afin que « le panier de soins des trois secteurs concernés par le 100 % Santé puisse évoluer dans le temps », a précisé le ministère.

De plus, depuis le 1er janvier 2022, les organismes complémentaires ont l’obligation de permettre à leurs assurés de bénéficier du tiers-payant intégral sur les soins du 100 % Santé. « C’est l’un des derniers freins à lever pour lutter contre le renoncement aux soins », a insisté le ministère. Des « campagnes de contrôle » pour « s’assurer que les professionnels proposent bien l’offre 100 % » seront par ailleurs menées, a-t-il pointé. En cas de manquement, « l’Assurance maladie sera en mesure de prononcer des sanctions dès cette année, si nécessaire ». Enfin, une enquête qualité sera prochainement lancée auprès des assurés afin de mesurer la satisfaction des bénéficiaires. 

(1) Elle prévoit la prise en charge à 100 % d’un certain nombre de soins auditifs, optiques et dentaires par l’Assurance maladie obligatoire et complémentaire. Elle est accessible à tous les Français ayant adhéré à un contrat de complémentaire santé responsable.

(2) Entre janvier et novembre 2021, les données sur décembre étant encore en phase de consolidation.

(3) Depuis le 1er janvier 2020, existent trois paniers de soins en dentaire : le panier « reste à charge zéro », le panier « tarifs maîtrisés » et le panier « tarifs libres ».

« Un investissement »

Pour l’Assurance maladie, la réforme, combinée à la revalorisation de certains actes conservateurs pour améliorer la prévention en santé orale dans le cadre des négociations conventionnelles, représente une hausse de « 700 millions d’euros » de dépenses supplémentaires entre « 2018 et 2021 ». Ce chiffre ne représente toutefois qu’une« estimation » puisque les données 2021 sont en cours de consolidation. En outre, il est un peu biaisé, puisque le recours aux soins dentaires a connu « une forte baisse » en 2020 du fait de la crise sanitaire. Pour autant, ces dépenses, comme celles réalisées en optique et en audiologie, doivent être perçues comme « un investissement » au profit de la prévention et de la santé publique, a précisé M. Von Lennep.

 

Opinions des CDF

Tout n’est pas réglé avec le 100 % santé !

Plus de 6 millions de patients ont, depuis le lancement de la réforme, bénéficié du 100% Santé en dentaire. Une réussite que Thierry Soulié, président des CDF, tient à remettre dans son contexte, sachant que d’autres sujets restent à régler.

La réforme du « 100 % Santé » est présentée par le Gouvernement et l’Assurance maladie comme un succès. Quel est votre sentiment ? 

Thierry Soulié : Du point de vue de l’accès aux soins, il est incontestable que cette réforme a permis un accès à un panier de soins essentiels pour un grand nombre de nos concitoyens pour qui c’était difficile, voire impossible auparavant. De ce point de vue, c’est effectivement un succès. Et savoir que nos patients ont la possibilité de retrouver un bon coefficient masticatoire et le sourire et ce, quelle que soit leur condition sociale, est une avancée dont on ne peut que se réjouir. Mais il ne faut pas être dupes ; le satisfecit concomitant de l’Assurance maladie et du ministère de la Santé concernant le « 100% santé », n’est pas totalement innocent, ni dépourvu d’intérêt en termes d’affichage à quelques semaines de l’élection présidentielle. Ce d’autant plus qu’il y a 2 mois, on nous tenait un discours sur un ton quelque peu différent en Commission paritaire nationale (CPN).

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce « discours quelque peu différent » ? 

T.S. : En communication surtout en période électorale, tout dépend du public visé et du message que l’on veut faire passer. Le « 100% santé » est issu d’une promesse du candidat Macron lors de l’élection présidentielle de 2017, afin de permettre aux patients d’accéder à des prothèses dentaires, des lunettes et des prothèses auditives sans reste à charge. Ce qui chez nous, s’est traduit par le RAC0. Dès lors que cette mesure donne des résultats probants, il n’est pas surprenant que l’exécutif s’en félicite. Et nous revendiquons notre part de cette réussite, car il a fallu durement négocier avant d’aboutir à un accord qui ménage aussi les intérêts de celles et ceux qui soignent. Pour rappel, en dentaire, la mise en œuvre de la réforme s’échelonnait sur 5 ans avec, au 1er avril 2019, l’instauration de plafonds sur certaines prothèses. Mais la première phase du 100% santé incluant les prothèses conjointes n’est entrée en vigueur qu’au 1er janvier 2020. Or fin 2019, l’Assurance maladie s’inquiétait de ne voir « que » 38 % de recours aux soins prothétiques plafonnés. Elle se demandait alors, si la profession jouait bien le jeu mettant presque en doute le bien-fondé de la réforme. Nous avions fait remarquer qu’il y avait encore du reste à charge et qu’on ne pourrait réellement mesurer les effets qu’un an plus tard pour la conjointe et fin 2021 pour l’adjointe résine. Ces craintes ont été dissipées lors de la CPN du 10 décembre 2021, où nous avons appris que le taux de recours au « RAC0 » estimé à 46 % lors des négociation, était en réalité de 53%. Chiffre confirmé par le ministère qui a annoncé en janvier une participation de 55% dans le domaine dentaire. 

Objectif atteint, donc…

T.S. : Concernant le 100% santé oui, l’objectif est atteint et même dépassé… Mais on a cru percevoir comme une forme de reproche à peine voilé de la part de l’Assurance maladie et des complémentaires. Comme si, nous faisions « trop » de prothèses. Alors que nous remplissons tout simplement la mission d’accès aux soins qui est la nôtre, et répondu aux objectifs fixés. Soyons clairs : si on n’avait pas atteint l’objectif, on nous aurait accusés de ne pas respecter l’accord. Aujourd’hui, il ne faudrait pas qu’on nous le « joue à l’envers » et qu’on nous reproche de trop soigner parce que cela a un coût.  Il n’est pas inutile de rappeler que ce résultat est aussi dû au fait que nous avons accepté de baisser nos honoraires. Certains auraient tendance à l’oublier un peu vite !

Quelles sont les prochaines étapes sur ce dossier ? 

T.S. : Comme vous pouvez l’imaginer, nous sommes très attentifs au poids respectif des différents paniers et nous suivons attentivement leurs évolutions. Il en est un qui nous préoccupe tout particulièrement : le panier modéré qui est actuellement 5 points en dessous de son estimation initiale et nous avons le sentiment que les complémentaires ne respectent pas l’esprit de ce sur quoi elles se sont engagées. Et que certaines ont même baissé leurs prestations au sein de ce panier, rendant inopérant l’effort des seuls chirurgiens-dentistes. Dès lors se pose la question de prestations minimales imposées aux complémentaires, ou de la réaffectation des actes dans les 2 autres paniers, libre ou RAC0. En attendant, nous surveillerons l’impact de l’inclusion, depuis le 1er janvier 2022, des prothèses métalliques dans ce panier modéré et serons particulièrement vigilants sur les chiffres de recours aux soins. 

Au-delà de la réforme du « 100% Santé », quelles sont vos priorités ?

T.S. : Ce serait une erreur de penser que le dossier dentaire a été réglé avec le 100% santé, le but n’est pas de faire que de la prothèse. Nous l’avons toujours dit, la convention signée en 2018 était nécessaire, elle avait et conserve toujours sa légitimité. Mais elle n’est qu’une étape, elle doit évoluer. C’est pourquoi, il faudra aller plus loin encore en termes de prévention, mieux prendre en charge les actes de soins non programmés, revaloriser les honoraires des actes opposables, notamment les actes d’endodontie et de chirurgie, qui malgré les maigres coups de pouce, sont loin de leur tarif cibles. Mais il n’y a pas que ces actes, la période sanitaire que nous traversons a révélé de nombreuses insuffisances dans notre système de santé. Notre métier est très fortement impacté par cette crise et la convention signée avant l’apparition du Covid-19 ne pouvait prévoir ce qui allait changer pour nous. La forte augmentation des consommables (EPI…), des mesures sanitaires, de l’inflation et la pénibilité induite, font que cela ne sera pas tenable très longtemps, surtout dans une activité contrainte à 90% par des tarifs réglementés. Il n’est pas question de dérouler ici une liste à la Prévert de ce qu’il faudra revendiquer, mais il est clair que des lignes devront bouger avec de nouveaux investissements et/ou à défaut, ouvrir de nouvelles plages de liberté. En d’autres temps, c’est ce que nous avions obtenu. Les époques changent mais l’histoire pourrait se répéter.

Souvenez-vous…

En 2016, les négociations de l’avenant 4 à la convention dentaire de 2006 ont démarré. Mais le compte n’y était pas. En janvier 2017, la CNSD quitte la première, la table des négociations, imitée ensuite par les autres syndicats. En avril 2017, sous l’impulsion de Marisol Touraine, un règlement arbitral d’exception est mis en place avec entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2018. Entre temps, l’accession d’Emmanuel Macron à l’Élysée et d’Agnès Buzyn au ministère de la Santé change la donne. « La promesse d’un « reste à charge zéro », du nouveau Chef de l’État nous a fourni l’opportunité d’améliorer le contenu de l’avenant 4 et de faire « sauter » le règlement arbitral par la réouverture des négociations d’une nouvelle convention » relate Thierry Soulié. « Ces négociations ont repris en septembre 2017, mais il faut reconnaitre qu’elles ont été rendues plus difficiles à cause de l’insertion du RAC0. Cependant, nous avons réussi à obtenir un bien meilleur équilibre que lors des premières négociations et par la même occasion d’éloigner définitivement le spectre de ce Règlement arbitral que la profession a unanimement rejeté », conclut Thierry Soulié, qui rappelle que dans le secteur de l’audiologie et de l’optique, la réforme du 100% Santé a été imposé « dans le cadre d’une concertation sans possibilité de négociation ».

 

100% SANTÉ

 


"Une véritable avancée" Luc Lecerf, rédacteur en chef du CDF en exercice au Havre

« Dès juillet 2019, j’ai commencé à prévenir mes patients de l’entrée en vigueur prochaine du 100 % Santé, pour programmer des soins ou des reprises de plans de traitement qu’une partie d’entre eux reportaient, depuis des années, faute de pouvoir les financer. Depuis le 1er janvier 2020, je peux proposer à chacun d’eux des soins prothétiques complets pris en charge à 100 % : des couronnes céramiques hors zircone pour les incisives, canines et premières prémolaires, certes moins sophistiquées que des céramiques stratifiées mais proposant un réel rendu esthétique, et, pour les autres dents, des bridges en métal qui, malgré tout, permettent de réhabiliter la fonction masticatoire au niveau postérieur et d’équilibrer l’occlusion. Il est naturellement possible de suggérer des soins figurant dans le panier « tarifs maîtrisés ou libre », si les patients le souhaitent. Cette réforme, négociée par nous, les CDF, qui avons toujours prôné un accès aux soins pour tous, est une véritable avancée ! »

« Une réforme équilibrée » Kevin Coignon, chirurgien-dentiste à Castres 

« Le 100% Santé était une promesse de campagne du chef de l’État. L’enjeu était que chacun y trouve son compte, praticiens comme patients. Et je pense que c’est le cas, grâce aux CDF, qui ont su négocier cette réforme certes imposée, mais in fine, équilibrée. Je le constate au sein de mon cabinet : mes patients sont plutôt satisfaits et sont même souvent surpris du montant des sommes prises en charge. En conséquence, ils acceptent plus facilement les plans de traitement que je leur propose. De mon côté, mon activité a augmenté, comme celle de l’ensemble de la profession, depuis l’entrée en vigueur de la réforme et ce, malgré la crise Covid. Je conserve naturellement ma liberté de prescription et mes patients restent libres de choisir des soins prothétiques remboursés à 100% santé ou non. Il n’y aucune contrainte, c’est très confortable pour eux comme pour moi. »

« Une nouvelle image de la profession » Angélique Méderlé-Roy, chirurgien-dentiste à Nancy

« Un grand nombre de patients pensent encore que les soins dentaires, y compris les soins prothétiques, ne sont accessibles qu’aux plus riches. Au sein de mon cabinet, nous leur parlons naturellement de la réforme du “100 % Santé“, mais peu savent précisément en quoi elle consiste et qu’ils peuvent en bénéficier. Ils sont donc, dans l’ensemble, assez agréablement surpris lorsque je leur propose des soins de qualité pris en charge en totalité par l’Assurance maladie et les complémentaires. L’une de mes patientes qui, depuis des années, refusait de nouvelles couronnes céramométalliques sur ses incisives pour des raisons financières, vient enfin d’envoyer mon devis auprès de sa mutuelle, qui devrait lui confirmer l’absence de reste à charge. C’est une vraie satisfaction pour moi. Cette réforme mériterait d’être mieux connue des patients et devrait, à terme, changer leur perception du coût des soins dentaires et améliorer l’image de notre profession. »