Les plus expérimentés d’entre nous se souviennent encore des États Généraux de la Sécurité Sociale en 1987, symbolisés par une baleine représentant la sécurité sociale en péril. Aujourd’hui, c’est une nouvelle grande concertation qui s’ouvre : le Conseil National de la Refondation (CNR) Santé inauguré au Mans, le 3 octobre, par le ministre de la Santé et de la Pré-vention, François Braun et la ministre déléguée, chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo. Entre temps, il y a eu les États Généraux de la Santé (EGS) en 1998, les EGOS (États Généraux de l’Organisation de la Santé) en 2008, la « Stratégie Nationale de Santé » en 2017, « Ma Santé 2022 » en 2018, le « Ségur de la Santé » en 2020… L’écart entre ces concertations diminue si bien que les encres des lois produites après ces grands-messes ont à peine eu le temps de sécher, sans que leurs effets aient pu être mesurés ni évalués. Mais cette fois-ci, le CNR Santé, nouvelle concertation urbi et orbi, grand-messe de la démocratie sanitaire, la der des ders, sera enfin la bonne… Le ministre l’a promis !
Travaux préparatoires
En ouverture, François Braun a affirmé : « L’avenir commence maintenant » avant de poursuivre par : « nous allons pouvoir discuter sur les solutions, les problèmes, on les connaît. Les problèmes sont locaux, les solutions aussi. Les problèmes sont collectifs, les solutions aussi. » C’est pour cette raison que le vendredi 30 septembre s’était tenu en préalable le premier CNR « territorial », toujours au Mans. Les acteurs locaux de la santé de ce territoire désertifié avaient alors travaillé autour de l’accès aux soins et la mobilisation des leviers locaux d’attractivité pour les professionnels de santé.
Avec envie et enthousiasme, ils ont élaboré des propositions qui prennent en compte le contexte de pénurie en moyens humains, qui ne s’améliorera qu’à moyen et long terme.
Les citoyens ou usagers doivent être mieux informés pour se sentir concernés. Leurs parcours doivent être mieux organisés et coordonnés, via un micro-maillage territorial qui l’oriente au bon endroit en fonction de ses besoins, L’objectif est d’éviter le passage aux urgences. L’offre de soins doit être régulée. La prise en charge des soins non programmés doit être partagée entre tous les soignants. Les professionnels exerçant dans les déserts doivent être mieux rémunérés. Pour rendre les territoires plus attractifs, il faut « recentrer le soin sur le soin », développer le tutorat et le soutien par les pairs, favoriser le collaboratif et prendre soins des soignants en leur créant des « espaces de répit ». Mieux former, mieux valoriser, anticiper les besoins futurs… la boîte à outils est riche, le retour d’expériences fort.
Déceptions
Le lundi 3 octobre, les 400 représentants des organisations, collectivités locales, élus, syndicats (dont Les CDF) et structures invités n’ont pas fait preuve du même enthousiasme. Une sensation de déjà vu sans doute, d’un éternel recommencement : les mêmes mots, les mêmes engagements, les mêmes promesses, les mêmes solutions… Les ministres changent, pas les méthodes ni les terminologies ni les moyens ! La preuve ? Le discours de clôture du ministre censé faire la synthèse des échanges n’a fait que présenter les dispositions du prochain PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) déjà connu de tous. Les concertations territoriales vont se poursuivre en métropole et outre-mer. Un autre rendez-vous est donné début 2023 pour faire un bilan.
Menaces
Mais déjà il faut noter quelques menaces à peine voilées. Ainsi, les politiques intervenants ont rappelé que le défi démographique était tel que « nous vivons les dernières années où un débat rationnel peut encore être engagé car la pression des électeurs, pour des mesures coercitives, s’intensifie ». Et si le ministre a affirmé faire confiance aux acteurs du système et, en particulier, aux libéraux, il a aussi précisé qu’il attendait de leur part un engagement fort. Toute revalorisation par voie conventionnelle demandera une contrepartie. Enfin, les grands absents du débat ont été les financeurs. Visiblement, l’argent ne sera pas le moteur des réformes. Les concertations territoriales vont se poursuivre en métropole et outre-mer. Rendez-vous est donné début 2023 pour faire un bilan.
Catherine Mojaïsky Conseillère spéciale