Gendarme, greffier et juge

Retour au site
16 mai 2023
L’ordonnance du 8 février 2023 (n° 2023-77, relative à l’exercice en société), impose aux SEL(1) d’adresser à l’Ordre, une fois par an, « un état de la composition de (leur) capital social, des droits de vote afférents, ainsi qu’une version à jour de (leurs) statuts… et les clauses de toute convention portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance… ».

Fin 2022, le nombre de SELARL inscrites à l’Ordre a dépassé les 12 000, auxquelles s’ajoutent quelque 500 SELAS et 850 SPFPL1. C’est donc un travail de contrôle colossal qui est demandé à l’Ordre… une mission de « greffier bis », identique à celle des greffiers des tribunaux de commerce qui contrôlent toutes les sociétés commerciales… y compris les SEL.

L’ordonnance du 19 juillet 2021 (n° 2021-961, relative à la certification périodique) et son décret du 12 mai 2022 (composition et fonctionnement du Conseil national de la certification), ont également transféré d’importantes charges administratives à l’Ordre. D’un côté, il doit contrôler le respect de l’obligation de certification et, de l’autre, participer à l’élaboration de la stratégie et du déploiement de la certification. Là encore, il s’agit d’un accroissement considérable de formalités administratives, financé par la cotisation ordinale !

La liste des charges confiées à l’Ordre au cours des deux dernières décennies est longue. Certaines font suite à une réglementation clairement établie, d’autres improvisées (de bonne foi) par des conseils départementaux (contrôle des nouvelles installations, vérification de l’assurance RCP, surveillance du DPC, AFGSU…).

Toutes ces actions n’ont strictement rien à voir avec la mission que la loi a confiée aux ordres professionnels : contrôler l’accès à la profession en surveillant les qualités requises chez le professionnel pour l’inscrire au Tableau, et assurer le respect de la déontologie, charpente morale de l’exercice médical. Cette mission ne signifie pas une surveillance rapprochée de chaque praticien. Ce n’est pas parce que le manquement à l’obligation de formation continue serait déontologiquement fautif, par exemple, que l’Ordre doive contrôler – chez chaque praticien – le respect de cette obligation.

Parce que si le praticien qui n’a pas payé ses cotisations sociales à l'URSSAF est parfaitement condamnable par l’Ordre2, tout comme celui qui ne paie pas son prothésiste3, l’Ordre ne vient pas pour autant contrôler la comptabilité de chaque cabinet dentaire !

La mission éthique de l'Ordre se trouve noyée sous les flots paperassiers

Avec la multiplication et la lourdeur des tâches administratives transférées à l’Ordre ces vingt dernières années, où il devient tour à tour gendarme, greffier ou juge, sa mission éthique se trouve noyée sous les flots paperassiers. Son rôle déontologique est de plus en plus voilé par des contraintes bureaucratiques lourdes, que l’État crée sans les assumer et dont il exige l'exécution par l'Ordre en les finançant à travers les cotisations des chirurgiens-dentistes.

Marc Sabek, 1er vice-président 

 

1. SEL (société d’exercice libéral), SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée), SELAS (société d’exercice libéral par action simplifiée), SPFPL (société de participation financière de profession libéral ou holding).

2. Conseil d’État, 19 février 2003, n° 224875.

3. Conseil d’État, 6 juin 2001, n° 208105.