Plus trompeurs que les faits, les chiffres !

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12 octobre 2023
La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) présente cette semaine à la presse ses chiffres sur la fraude. Comme chaque année, c’est un rituel bien rôdé, à l’effet médiatique assuré : des statistiques, des courbes, des camemberts et, pour finir, des objectifs chiffrés ou de nouvelles mesures coercitives pour traquer les fraudeurs !

L’an dernier, cet exercice a convaincu les parlementaires d’instaurer un « indu empirique », une règle arbitraire qui permet de fixer, « forfaitairement, par extrapolation à tout ou partie de l’activité » du praticien, la somme qu’il devra payer à l’Assurance maladie. L’année d’avant, c’était le « déconventionnement en urgence » et, un an plus tôt, l’aggravation de la pénalité financière de 50 à 70%... des procédures toujours plus expéditives, écartant, sans ciller, les droits de la défense et mises en place sans prendre la peine de vérifier le résultat obtenu par la précédente mesure.

Les derniers chiffres présentés (exercice 2022) indiquent 2,4 millions d’euros de préjudices détectés et stoppés sur les facturations des chirurgiens-dentistes ! Le nombre de dossiers par type de fraude interroge : l’abus ou détournement de prestations 18,3 %, l’exercice illégal 5 %, les prestations fictives 21,7 % et le non-respect de la nomenclature 54,2 % ! Autrement dit, plus de la moitié des dossiers collectés par les contrôleurs de la CNAM et classés dans la rubrique « fraude » sont d’abord des cas de méconnaissance de la nomenclature ou de la réglementation.

On peut parier que peu de médias feront une lecture objective des chiffres. Le « résultat » de la CNAM sera repris dans sa globalité statistique, brutale et non vérifiée : montant de la fraude, taux du préjudice financier, etc. La même surenchère annuelle suivra : celle à laquelle nous sommes habitués, depuis douze ans, à la veille du dépôt de chaque PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) devant le Parlement avec de nouveaux objectifs chiffrés exponentiels qui incitent les agents de la CNAM à qualifier d’actes frauduleux ce qui relève de l’erreur ou de l’oubli non intentionnel.

On comprend mieux pourquoi toutes nos demandes d’un minimum de prévention envers les jeunes praticiens tombent à l’eau ! On perçoit mieux pourquoi le jeune chirurgien-dentiste, ignorant tout de la nomenclature et commettant inéluctablement des erreurs de débutant, n’est jamais rattrapé au début par un praticien-conseil pour lui corriger ses erreurs ou l’orienter vers une formation. On le laisse mariner dans sa méconnaissance de la réglementation. Et deux ans plus tard, on qualifie tous ses actes de frauduleux !

Qui a dit que la CNAM n’était pas performante en matière de fraude ? Voyez ses chiffres...

Marc Sabek

1er vice-président

@marcsabek