Cabinet dentaire et développement durable

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15 avril 2021
Les U35 ouvrent un vaste chantier autour du développement durable en proposantnotamment une formation à la gestion environnementale du cabinet dentaire. Acteur sensibilisé, comment le chirurgien-dentiste peut-il engager ou renforcer une démarche éco-responsable ? Explications avec Victoire Laboureau, vice-présidente (U35) en charge de la transition écologique au sein des cabinets dentaires.

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L’évolution vers une gestion environnementale des cabinets dentaires est-elle inéluctable ?

Victoire Laboureau : Le développement durable encabinet dentaire est déjà une réalité pour bon nombre de praticiens. En 2014, ils étaient plus de 91 % à se sentir concernés par le développement durable à titre professionnel*. Aujourd’hui,il y a fort à parier que ce chiffre avoisinerait les 100 %. En effet, en trois décennies à peine, nous sommes passés de l’ère du cabinet composé d’un fauteuil et d’une seule radiographie, à des espaces de travail de plus en plus équipés et optimisés grâce à des technologies dont les impacts environnementaux sont de plus en plus lourds. Les techniques en constante évolution nous amènent à nous questionner régulièrement sur les conséquences de nos pratiques gourmandes en énergie, en eau, en matière première et en produits chimiques. Bien que nous soyons une des premières professions de santé sensibilisées notamment pour les déchets, nous pouvons franchir d’autres étapes. Il faut avoir conscience de l’évolution de nos structures et de nos pratiques.

Certes, mais après la récupération des amalgames dentaires ou du tri des déchets de soins, les chirurgiens-dentistes peuvent-ils aller plus loin tout en respectant des normes de travail strictes liées à l’activité de soins ?

V. L. : Nous évoluons dans un milieu soumis à des règlesd’hygiène et des normes drastiques. Certains pans de notre activité ne trouveront pas d’alternatives éco-responsables.Mais il est possible de composer avec ces normes, sans les bafouer, en agissant par exemple sur l’économie d’énergie, des achats responsables, la qualité de vie au travail, le recyclage, le réemploi, etc. Pour tout ce qui sort du champ de l’usage unique, privilégions du matériel stérilisable, la seringue air-eau, etc. Le plastique doit de toute façon être banni dès 2021. Le gobelet, par exemple, peut être remplacé par un verre en acier inoxydable ou bien le praticien peut aussi opter pour la fin du crachoir. Selon l’ADF, chaque année, 160 millions de pompes à salive, bavoirs de protection et plateaux jetables sont jetés. Parmi les gestes simples, citons également le refus de lapublicité dans sa boîte aux lettres et sa boîte mail, baisser son chauffage de quelques degrés, réparer son matériel informa-tique pour éviter de le changer trop souvent, etc. Il faut sedonner des objectifs réalisables sur le long terme en agissant,par exemple, poste par poste : accueil, salle de stérilisation, salle de soins.

Le coût d’un cabinet « éco-responsable »constitue-t-il un frein ?

V. L. : Un cabinet plus écologique dans son fonctionne-ment coûte moins cher, car il est moins énergivore. Favoriserles outils stérilisables et donc réutilisables représente un inves-tissement de départ, mais lissé sur trois ou quatre ans, le pra-ticien est gagnant. Il suffit de comparer ses consommationssur du long terme. À chacun son rythme et ses moyens. Ceuxqui souhaitent aller plus loin et réévaluer la structure même de leur cabinet peuvent faire réaliser un audit énergétique...Dans ce cas, l’investissement est effectivement plus consé-quent, mais c’est un investissement qui à terme porte ses fruits.Un scepticisme alimenté par la vision opportuniste d’un cer-tain marketing vert peut être un frein. Ne soyons pas dupes,il est réel. Mais le développement durable n’a rien d’un effetde mode. C’est une nécessité. Les excès de la consommation et son impact sur la planète le démontrent.

Grands producteurs de déchets (700 000 tonnes par an**), les établissements de santé se sont engagés en signant une convention dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Faut-il aller jusqu’à créer un écolabel pour les cabinets dentaires ou imposer une charte ?

V. L. : Qui dit label dit respect de normes, obligation etcontrôle. Labelliser le développement durable au sein des cabinets dentaires serait, à mon sens, contreproductif, car extrêmement contraignant pour le praticien. Et ce n’est pas l’objet de cette démarche. En revanche, une charte librement consentie, dans laquelle le chirurgien-dentiste s’engage à intégrer un certain nombre d’actions en faveur du développement durable dans sa gestion du cabinet, me semblerait plus adaptée. Affichée en salle d’attente, elle révèlerait, auprès de la patientèle, une volonté, un engagement pour apporter un soin qui concilie l’exigence de santé avec les connaissances scientifiques sur les produits utilisés par le cabinet dentaire. L’ADF s’est d’ailleurs engagée depuis 2013 en élaborant une charte en faveur du développement durable.

Enfin, le cabinet, c’est aussi une équipeaux habitudes parfois bien ancrées. Quelles peuvent être les pistes pour mobiliser l’ensemble des personnels à cette démarche ?

V. L. : La formation peut être un bon levier. Inclure l’équipe dans la réflexion permet également de la motiver en dehors du soin dans une optique plus participative et valorisante. Certains ont peut-être besoin d’être plus sensibilisés que d’autres. Mais le développement durable est une problématique connue qui bénéficie d’une prise de conscience intergénérationnelle. La seule différence réside sans doute dans le fait que les moins de 35 ans que nous représentons au sein des U35 sont nés dans une société où les problématiques environnementales et climatiques sont omniprésentes. Il peut également y avoir une différence dans la perception du chantier àmener. Certains y verront une révolution... Pourtant les bonnes pratiques en matière de développement durable ne sont que le rappel de gestes simples, faciles à intégrer dans le quotidien d’un cabinet, que l’abondance et la facilité ont souvent fait oublier !

* Baromètre du développement durable en cabinet dentaire, ADF, 2013.

** Organisation de la gestion des déchets, ANAP, octobre 2010.