Universel ou totalitaire ?

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13 juin 2019

Débutées en avril 2018, les réunions organisées par le haut commissaire à la « réforme » des retraites se sont achevées le 10 mai dernier. Ces échanges – et le projet du gouvernement – devaient être consacrés à traiter les deux sujets majeurs :

- supprimer les régimes spéciaux, qui présentent des anomalies et des inégalités inacceptables aujourd’hui : des départs à la retraite au taux plein à 57 ans ou même avant, financés par les deniers publics, des Caisses ayant peu de cotisants (voire plus du tout, comme les Mines) et beaucoup de bénéficiaires, etc. Ce sont ces régimes publics qui plombent les comptes du même nom. Ils sont spéciaux parce qu’ils bénéficient de privilèges, devenus moralement inadmissibles et financièrement très lourds.

- repousser l’âge légal de départ à la retraite pour pérenniser le financement de celle-ci, prenant en compte l’allongement de la durée de la vie, mais intégrant également les critères de pénibilité pour les métiers physiques éprouvants.

Une part de cotisation n’ouvrant droit à aucun point de retraite !

Sur le premier point, on tente de tromper l’opinion en cultivant sciemment la confusion entre régimes autonomes et régimes spéciaux. Les autonomes sont gérés depuis la Libération de manière exemplaire, ne coûtant pas un centime au contribuable, avec désormais des départs en retraite à 65 ans ou au-delà. Les spéciaux, par leurs coûts exorbitants et leur réticence aux réformes, aggravent les déficits sociaux et affaiblissent l’idéal égalitaire républicain !

Sur le second point, on évite de parler d’âge ! Mais on place le niveau du régime « universel » à trois fois le plafond de la Sécurité sociale (à peu près 120 000 €/an de revenus). Tout le monde est aligné sur le même gabarit ! Il faut vraiment tout ignorer de la variété des métiers et des trajectoires personnelles pour concevoir d’unir, dans un même régime, des travailleurs aux cycles économiques si différents tout au long de leurs parcours professionnels.

Le résultat attendu est de faire financer la retraite des fonctionnaires par les salariés du privé et les indépendants. Ce que le haut commissaire à la retraite n’a pas démenti en évoquant, pour les libéraux, une part de cotisation n’ouvrant droit à aucun point de retraite !

L’artifice « universel » doit également permettre à l’État la confiscation des réserves des régimes autonomes et privés (quelques 165 Mds €) ! Nous combattrons toute mainmise de l’État sur le fruit de l’effort collectif.

Car il s’agit d’abord de sauvegarder nos droits fondamentaux de cotisants et d’ayants droit. Nous les ferons valoir au regard de la norme constitutionnelle nationale. Et au-delà, s’il le faut, au niveau européen.

Il nous faut également préserver l’engagement social des professionnels libéraux. En confisquant nos réserves, les gouvernants imprudents sapent l’adhésion morale du travailleur et son acceptation de charges sociales lourdes, supportées parce que correspondant à une vision partagée, de justice et de solidarité intergénérationnelle. Mettre la main sur le produit de ces cotisations pour combler des déficits dus à la seule incurie des gouvernants, c’est cultiver et nourrir le discours populiste de tous ceux qui ont contesté et contesteront la légitimité des cotisations sociales... puisqu’elles finiraient par être raflées par l’État !

Au-delà, il faut bien regarder ce que les Français souhaitent et ce qui est envisagé. 62 % de nos concitoyens veulent que les partenaires sociaux restent aux commandes du système de retraite1. Mais l’État entend effacer toute démocratie sociale au profit d’un dirigisme centralisateur. Le haut commissaire l’a aussi confirmé : il n’y aura plus de partenaires sociaux, démocratiquement élus par leurs pairs, en charge de gérer quoi que ce soit. La « gouvernance » des retraites (actuelles, de base, complémentaires, etc.) sera confiée à une seule Caisse, un mastodonte bureaucratique qui n’a aucun équivalent dans aucun autre pays au monde... à l’exception de la Corée du Nord !2

 

MARC SABEK- vice-président

@marcsabek

Editorial du CDF N°1849-1850 du 13 juin 2019

 

1. « Les Français, l’épargne et la retraite », Enquête Ifop pour le CECOP, 2019 [http://cercledelepargne.com/wpcontent/uploads/2019/04/CECOPIfop1902EpargneRetraite.pdf].

2. Il ne s’agit pas d’une tournure de style, caricaturale ou provocante. L’information a été vérifiée.