Lille : Vers une plus grande intégration hospitalière

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13 avril 2021
L’urgence pour Laurent Nawrocki est de transformer l’architecture du service d’odontologie afin de disposer de box fermés en plus grand nombre pour exercer en période de Covid. Mais le chef du service de Lille depuis 2015 est aussi préoccupé par le recrutement de praticiens hospitaliers dans certaines disciplines pour assurer la formation des étudiants. À plus long terme, il espère renforcer l’intégration hospitalière du service en le transférant au coeur du CHU, à proximité des spécialités céphaliques.

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Comment s’organise l’exercice dans le service ?

Avec la Covid, tous nos projets ont pris du retard, comme le développement de la CFAO. Nous sommes confrontés à l’inadaptation architecturale du service, dont les derniers travaux datent de 2016. L’open space, qui permet à l’enseignant de superviser d’un coup d’oeil les box semi-cloisonnés, n’est plus adapté à l’utilisation d’instruments rotatifs dans les circonstances actuelles ! Sur 82 box, seuls 10 sont fermés et répondent donc aux normes pour les soins aérosolisants et ce, pour former 340 étudiants ! Nous avons relocalisé des activités comme l’orthodontie et la prothèse amovible qui, en grande majorité, ne demandent pas de gestes avec instruments rotatifs. Pour le reste, l’exercice dans les box ouverts a été limité aux consultations et aux autres actes sans aérosols.L’Université et l’hôpital ont heureusement donné leur 

Malgré tout, la clinique a permis aux étudiants des 4, 5, et 6e années de garder un lien social. Ils travaillent en tant que salariés du CHU. Ils ont d’ailleurs bénéficié du Ségur de la Santé avec une augmentation non négligeable de leur rémunération mensuelle. Pour les 5e et 6e années, j’encourage les remplacements et les collaborations. Nous étions réticents, mais il faut changer. C’est un moyen de se former d’une autre façon. Il y a des déficits de formation qu’il va falloir rattraper !

Qui sont les patients du service ?

Avant la Covid, nous avions 75 à 80 000 passages par an. Les études montrent que la moitié des patients habitent Lille et sa métropole. D’autres viennent de la Somme, du Pas-de-Calais et des Ardennes pour bénéficier de services que nous sommes presque seuls à proposer, comme les soins pour les enfants sous anesthésie générale ou sous MEOPA. Nous avons des praticiens à temps partiel en implantologie et en orthodontie. Leurs patients savent qu’en venant ici, ils bénéficieront de tarifs moins élevés qu’en cabinet libéral en contrepartie d’un temps de soins plus long. Nous sommes aussi un recours pour les populations en situation de précarité. Il va sans dire que les urgences dentaires sont habituellement très (trop) fréquentées et l’ont été particulièrement au printemps 2020 quand nombre de cabinets dentaires de la métropole avaient dû fermer.

Quelles sont les spécificités du service ?

Les consultations et activités spécialisées : elles reçoivent des patients complexes sur le plan médical et dentaire mais aussi psychologique. On peut citer à titre d’exemple l’occlusodontie, l’activité commune ORL-odontologie, la consultation pré-post-greffe avec l’onco-hématologie, l’odontologie pédiatrique et la pédiatrie, le traitement des dyschromies et bio-mimétisme sans oublier la prise en charge des patients en situation de handicap.

Quel impact aura la fusion des facultés de santé et du sport ?

Cela ne changera rien à l’organisation hospitalière. Nous vivons déjà la fusion depuis plus de 10 ans ! À la différence de nombreux services d’odontologie en France, Lille n’a pas de pôle d’odontologie. Notre service est l’un des sept services qui constituent le pôle des spécialités médico-chirurgicales, avec l’ORL, l’oto-neurologie, l’ophtalmologie, la dermatologie, la chirurgie maxillo-faciale-stomatologie et la chirurgie plastique.

L’avantage pour nous est de travailler en association avec d’autres spécialités. La difficulté est d’être suffisamment persuasif pour que nos projets dentaires soient défendus par le chef de pôle, aujourd’hui un ORL, auprès de la direction générale !

La particularité de l’odontologie est d’être le plus important de ces sept services hospitaliers avec quelque 340 externes de 4e, 5e et 6e année, alors que les services de médecine travaillent surtout avec des praticiens hospitaliers et des internes. Il ne faut pas oublier non plus les étudiants formés ici en 2e, 3e et 4e année, mais qui ont migré vers les services d’odontologie partenaires pour leurs 5e et 6e années, à Boulogne-sur-Mer, au Havre et à Rouen.

En revanche avec la faculté de santé, le point de vigilance sera la mutualisation des postes universitaires vacants et donc un risque pour les postes hospitaliers au niveau du service d’odontologie.

La création des services externes a-t-elle été bénéfique ?

Elle était indispensable pour favoriser un meilleur maillage territorial, même si ce n’est pas efficace à 100 %. Et les étudiants sont très demandeurs 

Quelle est votre préoccupation majeure ?

Le recrutement d’enseignants-praticiens hospitaliers. Le renouvellement du personnel hospitalo-universitaire est insuffisant et la filière manque d’attractivité. Les internes se dirigent en très grande majorité vers l’activité libérale alors que l’internat a été créé pour former des spécialistes au sein des hôpitaux universitaires. On manque d’enseignants en ODF, en chirurgie orale, mais aussi en dentisterie restauratrice et endodontie… L’oxygène donné par le Ségur de la Santé n’est pas suffisant. Et de toute façon, il faut du temps ; 10 ans pour former un enseignant qui passera par un labo de recherche, des publications internationales, un concours…

Pour pallier ce manque à moyen terme, nous souhaitons recruter des praticiens hospitaliers (PH), car ils peuvent à la fois soigner et assurer la formation des étudiants et, contrairement aux universitaires, exercer à temps partiel. Nous avons ainsi déjà des PH détachés de leur service d’odontologie d’origine (temps partagé) pour venir une demi-journée ou une journée par semaine. Nous recevons ainsi un spécialiste des situations de handicap, un en chirurgie orale et un autre en prothèse maxillo-faciale. D’autres dossiers sont en cours en chirurgie orale, en odontologie pédiatrique et en orthodontie.

Aujourd’hui, par exemple, il n’y a plus, il me semble, que 2 ou 3 PU-PH, spécialisés en orthodontie pour les 16 facultés. Qui va former les orthodontistes ? Le privé est sur les rangs.

Vous craignez le développement de formations privées ?

Le plus gros danger serait de confier la formation à des sociétés à but lucratif. Le fait de médicaliser et de rendre notre exercice dentaire plus hospitalier est un moyen de nous positionner. Pour asseoir notre réputation et ne pas être considérés comme une simple « école dentaire », nous devons développer les coopérations hospitalières.

À plus long terme, notre projet majeur est de « quitter » les locaux de la faculté dentaire pour installer le service d’odontologie au coeur du CHU, à proximité des spécialités céphaliques. Cette nouvelle installation permettrait de lever les derniers freins géographiques à notre intégration hospitalière. La faculté y est favorable. Restent à identifier le budget et le lieu exact ! Mais, pour le moment, la pandémie a gelé les grands projets. Et puis, le CHU a d’autres priorités, telles que l’extension de l’hôpital pédiatrique ou de l’institut coeur/poumon et la reconstruction de la pharmacie centrale. Mais cette perspective de rapprochement est très importante pour la formation et représente un avenir motivant.

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Pour la suite du dossier, retrouvez l'article La fac de Lille tournée vers l'avenir