La loi de financement de la sécurité sociale 2023 prévoyait un transfert annuel de 300 M€ de dépenses de l’Assurance maladie obligatoire vers les organismes complémentaires. Le 15 juin dernier, en pleine négociation de la Convention dentaire, l’annonce gouvernementale tombait : ce transfert ne concernerait que les actes bucco-dentaires et l’ardoise pour les complémentaires augmenterait à 500 M€ par an. Cette annonce a failli faire capoter la négociation : colère des parties concernées (syndicats dentaires et Unocam), bouleversement du financement conventionnel, application à venir du ticket modérateur sur la prévention, etc. Tous les acteurs ont perçu cette décision comme le moyen d’un investissement a minima pour l’Assurance maladie tout en supprimant des marges de manoeuvre aux négociateurs. C’est le 15 octobre 2023 que cette hausse devrait se mettre en place. Décryptage…
Quelles sont les règles retenues ?
Le ticket modérateur passera de 30 à 40 % pour tous les actes majoritairement réalisés par les chirurgiens-dentistes. C’est l’acte en question qui sera concerné par cette modification, même s’il est réalisé par un médecin pour ce qui concerne les actes communs aux deux professions. Si plus de 50 % des opérateurs sont chirurgiens-dentistes, l’acte est concerné par cette modification de ticket modérateur. À l’inverse, si les opérateurs majoritaires sont des médecins, l’acte n’est pas concerné.
Globalement, 609 actes sur les 820 que peuvent réaliser les chirurgiens-dentistes sont concernés. Ce changement s’appliquera donc à deux professions (chirurgiens-dentistes et médecins) et 8 codes spécialités.
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Le ticket modérateur passera de 30 à 40 %. La règle, à quelques exceptions près, sera celle dite du « 50/50 » pour appliquer la hausse aux actes majoritairement réalisés par les chirurgiens-dentistes et conserver l’actuel ticket modérateur sur les actes majoritairement réalisés par des médecins.
Ce sera la lettre-clé ou le code de regroupement qui déterminera le ticket modérateur : il n’y aura pas de différence de prise en charge sur le même acte, selon qu’il soit réalisé par un médecin ou un chirurgien-dentiste, si le code est identique.
De nouvelles lettres clés NGAP ou de nouveaux codes de regroupement vont être créés.
Au 1er octobre, ce sont les codes de regroupements qui sont modifiés et au 15 octobre s’appliquent les modifications sur les actes. 280 actes changent de code de regroupement par la mise à jour de la CCAM (V73). Pour les actes codés en NGAP, l’augmentation du ticket modérateur de 30 à 40 % doit s’appliquer le 15 octobre 2023 également.
Les actes de prévention ne sont pas concernés par cette évolution et restent pris en charge à 100 % ; il est cependant prévu de leur appliquer un ticket modérateur en 2025, lors de la mise en place du nouvel EBD annuel. Une partie importante de la prévention sera ainsi transférée vers les complémentaires, ce qui posera de nombreux problèmes.
Une mise à jour des logiciels est indispensable avant le 1er octobre 2023.
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Exceptions
Le taux de prise en charge des actes CCAM et NGAP des patients affiliés à la CRPCEN (Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires) passent à 75% au lieu de 85%.
Les bénéficiaires listés ci-dessous ne sont pas impactés par la modification des taux :
- Régime SNCF.
- Régime Alsace-Moselle (90 %).
- Patients ayant un taux de prise en charge de 100 %.
En pratique
Ce changement sera automatiquement géré par les logiciels et sera donc transparent pour les chirurgiens-dentistes. Quelques règles doivent cependant être respectées.
- Faire la mise à jour du logiciel dès qu’elle est proposée et avant le 1er octobre 2023.
- Télétransmettre avant le 15 octobre 2023 les actes déjà réalisés.
- Si la télétransmission avant le 15 octobre 2023 n’est pas possible, il faudra faire des FSP (feuilles de soins papier) pour conserver le taux de remboursement à la date des soins.
- Rappel : une FSE dégradée n’est pas une FSP ! Ce mode dégradé peut cependant être utilisé pour télétransmettre avant le 15 octobre des actes déjà réalisés en l’absence de carte vitale, après vérification des droits via ADRi.
- Il n’est pas obligatoire de refaire les devis, car le changement de remboursement est règlementaire et ne peut pas vous être imputé. Cependant, un nouveau devis est fortement conseillé pour tous les actes non réalisés avant le changement, par souci de transparence et d’information du patient.
- Pour les praticiens offrant aux patients le service tiers-payant sur la part complémentaire, il faudra refaire les PEC (prise en charge) pour prendre en compte la hausse de la part complémentaire.
Conséquences pour les patients
Si les remboursements globaux (AMO + AMC) restent identiques pour la plupart des patients, des augmentations de reste à charge seront possibles dans deux cas de figure : absence de complémentaire santé ou calcul du remboursement complémentaire qui ne serait pas basé sur la base de remboursement (BR) mais sur le remboursement sécurité sociale pour les actes de prothèse des paniers maîtrisés ou libres, ou les contrats non responsables. En revanche, les organismes complémentaires ont d’ores et déjà annoncé des hausses de cotisations pour compenser ces 500 M€ annuels. Les impacts seront plus forts pour les patients les plus âgés aux cotisations les plus élevées.
Action des CDF
Les CDF se sont insurgés contre cette évolution qui cible une seule catégorie d’actes médicaux. Dans le passé, les hausses de ticket modérateur sur les actes médicaux s’appliquaient à tous les actes, sans localisation identifiée. Une discrimination pour les patients est donc créée ! De plus, pour la première fois, les codes des actes de consultation seront différenciés entre médecins et chirurgiens-dentistes. Ce qui permettra une augmentation du C ou CS médecin sans avoir à utiliser de majorateur masquant la différence tarifaire.
Les CDF ont alerté les autres professions et ont permis un vote de l’UNPS défavorable pour l’avis sur le changement de taux du TM. Ils ont par ailleurs alerté le président de l’UNCAM sur les conséquences d’un vote favorable du Conseil de l’UNCAM du 28 septembre 2023 autorisant les changements.
La mobilisation se poursuivra contre les évolutions à venir en 2025 sur les transferts de financement sur la prévention.