Postures et impostures

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10 novembre 2020
Un praticien diplômé de l’université Pessoa a été inscrit au tableau de l’Ordre. Un syndicat conteste cette inscription devant le Conseil régional, au motif que les études dentaires ont été commencées en France dans un cadre non autorisé. Il est débouté. Il fait appel et le Conseil national le déboute à son tour précisant que le diplôme contesté est conforme à la directive européenne de reconnaissance mutuelle des diplômes.

Marc Sabek

Ce syndicat dépose un recours devant le Conseil d’État. La réponse des juges est claire : « [L’organisation syndicale] ne conteste pas que le diplôme qui a été délivré bénéficie du dispositif de reconnaissance mutuelle automatique et inconditionnelle, prévu par la directive précitée. Il en résulte qu'elle ne peut utilement soutenir… »* Autrement dit, puisque ce syndicat reconnaît la légalité du diplôme contesté, quel est donc l’objectif de son recours ? En toute logique, le Conseil d’État le déboute et le condamne aux frais… mais la question demeure.

Pourquoi une telle action alors que, à l’avance, ce syndicat connaissait le résultat ? De l’affichage ? Une publicité ? Une posture ? Ça finit par coûter cher à toute la profession, ces postures et ces fanfaronnades ! Car cette jurisprudence a désormais un écho médiatique autrement plus retentissant qu’une décision ordinale qui serait restée confidentielle. En effet, l’arrêt du Conseil d’État, suite à ce recours irresponsable, est publié dans les revues de droit et commenté par les juristes du droit administratif dans toute l’Europe !

Par cet arrêt, la voie est largement ouverte pour des diplômes hors UE. Ils peuvent désormais venir dans un pays de l’UE, y faire deux années d’études et obtenir un diplôme à reconnaissance automatique ! L’esbroufe est une posture aux conséquences désastreuses.

Ce dernier épisode d’une interminable série de flops, tous plus catastrophiques et plus destructeurs les uns que les autres, illustre le manque de réflexion, voire la pénurie des idées et l’absence de programme. Mais le plus affligeant, c’est l’impact de cette démarche sur des confrères et consoeurs confiants ou qui n’ont pas tous le temps et les moyens de vérifier les sujets et démasquer la supercherie. Les divagations de lunatiques leur apparaissent plus crédibles que le discours sensé de juristes ou de scientifiques. L’idée même du débat démocratique recule au profit du bluff qui sème le faux et répand le mensonge.

On pourrait dire que le microcosme professionnel des chirurgiens-dentistes ressemble à notre époque, qui tourne le dos à la raison. Les arguments de l’évidence et du bon sens ont peur d’affronter l’hypocrisie et ses dévots extrémistes.

Mais on pourrait aussi dire que c’est la responsabilité de chacun de militer pour un environnement professionnel assaini et épanouissant, intégrant les réalités sociales de la France d’aujourd’hui et de demain. Chacun peut se sentir concerné de construire cet environnement, d’y protéger l’espace de libre expression et du discours courageux, sans craindre les postures des imposteurs !

Marc Sabek vice-président

 

Note : Conseil d'État, 4e chambre, 9 septembre 2020, n° 421772.