Ces questions sont à la base des techniques préventives et conservatrices les plus en pointe, et ont généré un nombre impressionnant de publications scientifiques depuis une vingtaine d’années. Cependant, leur intégration dans l’exercice quotidien reste très faible, comme en attestent les enquêtes sur les pratiques professionnelles.
Un regard sur les réseaux sociaux témoigne du développement important de formations et techniques qui se targuent pourtant d’une modernité assurée. Minimales, contemporaines, modernes ou biocompatibles, force est de constater qu’une majorité de ces formations est basée sur une philosophie très curatrice et une dentisterie ultra-technique et technologique.
Pourtant, l’« excellence » aujourd’hui ne peut se satisfaire d’une vision, aussi agréable à l’oeil soit-elle, qui ne consisterait qu’à promouvoir les traitements de pathologies évitables. Les lésions carieuses ne sont pas une fatalité, et nous disposons, en France, de tout l’arsenal thérapeutique pour empêcher leur progression jusqu’au stade où la restauration est nécessaire.
Dans notre pays comme à l’international, de nombreuses voix s’élèvent pour un changement radical de système : lors des 20 dernières années, les progrès techniques en dentisterie n’ont pas permis d’agir sur les causes des pathologies. Ainsi, l’avenir de la santé orale ne réside probablement pas dans son hyperspécialisation technique, mais bel et bien dans la prise en charge globale du patient et de ses facteurs de risque. L’omnipraticien est le chef d’orchestre de ce futur, et il convient, pour les syndicats comme pour les sociétés scientifiques, de lui donner toutes les clés pour y parvenir.
L'avenir de la santé orale réside dans la prise en charge globale du patient et de ses facteurs de risque.
Comment ? C’est la question à laquelle essaye de répondre ce numéro. Souvent jugées trop complexes et inaccessibles, les données acquises de la science ont été synthétisées par une quarantaine de chercheurs internationaux pour fournir aux confrères un guide pratique et les bases requises pour modifier progressivement leurs exercices. Point de départ d’une réflexion, le guide CariesCare International™ n’est pas une recette de cuisine, mais un cadre général qui permettra de replacer la bouche dans la santé générale du patient, et le patient au centre de sa prise en charge.
Ces changements de pratiques demandent des ressources, qui ont été trop longtemps refusées par les pouvoirs publics. Les CDF travaillent ainsi depuis 2016 sur une valorisation de ces « nouvelles » philosophies de traitement, avec la conviction qu’un praticien doit être rémunéré en fonction de la valeur ajoutée de l’intervention, et non plus uniquement sur la complexité d’un acte technique. Ces changements, qui seront expérimentés dans deux régions, signent (enfin) le top départ d’un système de santé avancé dans la prise en charge de la population.
Le chemin reste encore à parcourir, mais le temps d’ « il faut plus de prévention » sans perspective et sans financement est révolu. Place à l’action !
Marco Mazevet Délégué général