
Le Code du travail a régulièrement attiré les réformateurs avec leur ambition simplificatrice ; sa complexité serait responsable pour une part de notre chômage endémique, sa simplification permettrait donc de développer l'emploi !
On se souvient du débat animé, à la veille de la présidentielle de 2017, sur la réforme envisagée de ce code dont les 8 000 articles ne seraient pas « les 10 commandements »[1] et qu'il y avait urgence à affronter ce colosse de la complexité juridique.
La première manche livrée, dénommée « ordonnances Macron », n'a pas encore pu être évaluée, mais le premier bilan serait mitigé[2].
Aujourd'hui, on prépare la seconde manche de la simplification du droit du travail. C'est la restructuration des branches[3] qui doit réduire leur nombre à une cinquantaine alors qu'on dénombre aujourd'hui quelque 700 branches qui gèrent les relations de travail dans tous les secteurs d'activité.
Si le « regroupement » des professions libérales avec d'autres peut être une voie efficace pour mutualiser les moyens en matière de formation professionnelle[4] et de protection sociale, les professionnels libéraux (mais pas seulement) sont beaucoup plus réservés sur la perspective en matière de conventions collectives.
Car en réduisant le nombre de branches, on va aboutir immanquablement à des conventions collectives « généralistes » ou « génériques », regroupant des métiers et des secteurs d'activité divers, variés, éloignés les uns des autres.
Comment alors dégager des politiques cohérentes de l'emploi pour une trentaine de professions libérales regroupées, lorsqu'il s'agit d'établir une grille des salaires et de classification, d'initier des mesures de développement de l'emploi suivant l'évolution des besoins, de mettre en place des formations alternées qualifiantes, etc. ?
Pour toutes ces questions, il faudra donc, après la convention de branche, un 3e étage réglementaire réellement adapté à chaque profession : une « sous-convention collective » intégrant les mesures spécifiques. Autrement dit, pour tout ce qui n'est pas inscrit dans les 8 000 articles du Code du travail, nous avons aujourd'hui un « complément » réglementaire, la convention collective.
Au nom d'une simplification du droit, censée libérer et développer l'emploi, ils veulent nous rajouter un 2e complément réglementaire... qui ne pourra rien faire de plus que répéter les grandes lignes du Code du travail, seul dénominateur commun à des branches éparses et aux activités éloignées, qui seront regroupées par la « force de la loi ». Et pour tout ce qui concerne la dynamique de l'emploi dans nos entreprises, chaque profession aura donc sa sous-convention, qui correspond à son actuelle convention collective ! Seulement, elle aura reculé dans l'échelle normative, mais pas seulement ! Parce que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » (Montesquieu).
Dr Marc SABEK
Vice-président
[1] . La formule de Robert Badinter, Le Figaro, 21 juin 2015, a été souvent citée. D'autres personnalités ont pesé en public le Code du travail (2,7 kg à l'époque des faits !).
[2] 1er bilan des ordonnances Macron, selon le ministère du Travail, Semaine sociale Lamy, 24 septembre 2018.
[3] Grosso modo, une branche correspond à un secteur d'activité et « gère » une convention collective.
[4] 329 branches sont désormais réparties dans 11 OPCO (Opérateurs de Compétences), au lieu des 20 OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés) qui existaient auparavant.