Prévention, Les CDF fixent le cap !

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12 mai 2023
La prévention est un axe fort des négociations conventionnelles. Un groupe de travail sur ce thème s’est réuni le 27 avril dernier avec les représentants de la profession, de l’Assurance maladie et des complémentaires. Président des CDF, Pierre-Olivier Donnat y a réaffirmé tout l’attachement de la confédération au développement de la prévention et rappelé la nécessité absolue d’une meilleure prise en charge. L’argumentation qu’il présente s’appuie sur des revendications concrètes, construites et validées scientifiquement pour relever le défi de la santé orale des Français.

Vous avez rencontré François Braun, ministre de la Santé, mais aussi de la Prévention et dès la première réunion plénière des négociations conventionnelles, le thème de la prévention a été porté comme prioritaire par l’Assurance maladie. Est-ce un axe d’importance ?

Pierre-Olivier Donnat : Pour les CDF, comme pour le Ministre, François Braun, qui en a fait un axe majeur de la politique de santé, la prévention est un sujet très important car il engage la profession sur la voie de son exercice futur. La prévention bucco-dentaire doit trouver sa place dans l’exercice professionnel quotidien, et donc être intégrée dans la Convention, au même titre que les soins conservateurs, chirurgicaux ou prothétiques.

Pour cela, une rémunération adaptée doit être instaurée pour tous les actes préventifs conformes aux données acquises de la science, en allant bien au-delà du contenu et du périmètre des examens de prévention de 3 à 24 ans. C’est un véritable changement de paradigme qui s’impose. En tenant compte des besoins de soins actuels et futurs, il permettra à la profession de relever le défi de la santé orale et de placer l’approche préventive au centre de la pratique.

La prévention, c’est plus d’activité pour le chirurgien-dentiste, et des gains en santé orale et en qualité de vie considérables pour les patients.

La prévention n’est-elle pas source d’économie pour l’Assurance maladie et synonyme de baisse d’activité (rémunératrice) pour les chirurgiens-dentistes ?

P.-O. D. : Avant de parler d’économie, la prévention doit être considérée comme un véritable investissement pour l’avenir. L’Assurance maladie l’a bien compris, et déjà, la convention de 2018 avait acté la création d’une expérimentation de prévention, que les CDF ont mise en oeuvre en développant EXPRESO (Expérimentation de prévention en santé orale, voir le site expreso.fr) sous l’égide de l’article 51. Cet article est un dispositif créé par la loi de financement de la sécurité sociale 2018 afin de promouvoir l’innovation en santé. Aujourd’hui, il permet d’expérimenter de nouvelles organisations dans le système de santé dans deux régions tests : Bretagne et Pays de la Loire.

Dans cette expérimentation, qui vise à être étendue à l’ensemble du territoire, la prévention est valorisée selon le temps consacré par le praticien à son patient pour le maintenir dans le meilleur état de santé orale possible, en fonction de son niveau individuel de risque. Au final, la prévention doit être rémunérée au même niveau que la moyenne horaire des soins curatifs habituellement pratiqués, et n’être en aucun cas économiquement défavorable au praticien. 

C’est tout l’enjeu de cette négociation conventionnelle qui doit permettre aux chirurgiens-dentistes d’être rémunérés au même niveau, qu’ils utilisent pour prévenir l’apparition des pathologies orales les techniques validées scientifiquement, ou qu’ils fassent appel aux techniques curatives classiques quand elles sont nécessaires. Le virage du tout curatif vers le préventif est à ce prix. La prévention, c’est plus d’activité pour le chirurgien- dentiste, et des gains en santé orale et en qualité de vie considérables pour les patients. Mais ces effets se mesureront dans un temps beaucoup plus long que la durée d’une convention. Aujourd’hui, ce sont l’exercice de la médecine bucco-dentaire et la santé orale des Français en 2050, qui sont en jeu !

Prévention et rémunération à l’acte sont-elles compatibles ? Votre expérimentation EXPRESO ne prévoit-elle pas des forfaits ? N’êtes-vous pas en train d’abandonner le paiement à l’acte ?

P.-O. D. : Non, le paiement à l’acte n’est pas abandonné, mais s’agissant de prévention, il a été démontré, dans de nombreuses études internationales, qu’une rémunération forfaitaire présente de nombreux avantages. Pour l’expérimentation Expreso, c’est une rémunération hybride qui a été mise en place. Elle mixe le paiement par forfait pour l’ensemble des actes et techniques relevant de la prise en charge préventive du patient (selon son risque individuel carieux, érosif et parodontal), et le paiement à l’acte pour les soins conservateurs, chirurgicaux et prothétiques quand ils demeurent nécessaires.

Quelles sont les propositions des CDF ?

P.-O. D. :  Les CDF ont développé depuis plusieurs années un large plan de prévention comportant de nombreuses mesures entrant dans le champ conventionnel ou législatif. Ce dispositif de prévention a été développé en étroite collaboration avec les universitaires nationaux et internationaux les plus en pointe sur le sujet, et grâce également à des échanges fructueux avec l’UFSBD, notamment lors de la mise en place de l’expérimentation EXPRESO. Dans le cadre des négociations conventionnelles, un groupe de travail nous a permis d’exposer l’ensemble des mesures qui constituent ce plan de prévention.

Mais en premier lieu, il est nécessaire de disposer d’un véritable « tableau de bord » de la santé orale dans notre pays. En effet, il apparaît que l’analyse des besoins actuels et futurs (pondérés par l’analyse de la demande et les capacités de financement du système de santé), pourtant essentielle dans l’orientation et les choix des politiques de santé, est aujourd’hui inexistante. C’est un constat que nous partageons avec le ministre de la Santé et de la Prévention.Les CDF demandent donc un réengagement vers des enquêtes socio-épidémiologiques nationales et périodiques afin de définir les besoins de soins. Elles permettront de mesurer, selon des indicateurs précis, les cibles prioritaires et les objectifs de cette nouvelle approche préventive de la santé orale.

Nous proposons également d’introduire dans la nomenclature des actes manquants comme les scellements thérapeutiques...

Concrètement, sur quels actes de prévention l’effort doit-il être porté ?

P.-O. D. : Tout d’abord, les dispositions existantes doivent être améliorées. Il convient de moderniser l’examen bucco-dentaire, de revaloriser les vernis fluorés et de les généraliser à l’ensemble de nos patients, notamment en introduisant la possibilité de cumul des vernis fluorés avec la C et l’EBD dans la séance, et enfin d’étendre le bilan parodontal, aujourd’hui limité dans sa prise en charge aux patients diabétiques à des âges clés chez l’adulte.

Nous proposons également d’introduire dans la nomenclature des actes manquants comme les scellements thérapeutiques, les réparations des restaurations, l’application de fluorures diamine d’argent (SDF), l’ART (Atraumatic Restorative Treatment). La prise en charge des traitements et de la maintenance parodontale chez tous les patients figure également dans nos propositions.

Enfin, nous demandons la généralisation de l’expérimentation EXPRESO qui évite le tout curatif par une prise en charge forfaitaire, fondée sur l’intervention minimale en dentisterie, dont les techniques ont montré leur efficacité.

Quelles réponses avez-vous reçues de la part de l’UNCAM et de l’UNOCAM ?

P.-O. D. : La première réaction de l’Assurance maladie a été de nous remercier pour l’ensemble des propositions énoncées car, contrairement à la situation rencontrée avec d’autres professions dans le cadre de négociations conventionnelles, les chirurgiens-dentistes portent, par la voix des CDF, des revendications concrètes, construites et validées scientifiquement pour relever le défi de la santé orale de nos concitoyens.

Nous avons réaffirmé qu’en matière de prévention nous ne nous contenterons pas d’un saupoudrage de mesurettes publicitaires ! La prévention, a plus de valeur qu’un simple affichage de bonnes intentions. En cela, nous savons être soutenus par le ministre de la Santé qui nous a confirmé son adhésion à notre démarche.