Soigner serein, soigner gagnant

Retour au site
8 février 2021
Du 31 mars au 7 avril prochain se tiendront les élections professionnelles pour la composition des Unions régionales des Professions de Santé (URPS). Elles ont lieu tous les 5 ans au sein de chaque profession (médecins, pharmaciens, kinés…) et donc aussi pour les chirurgiens-dentistes. Les premières ont eu lieu en 2010, nous sommes donc à l’aube du 3e scrutin.

CDF Mag : À quoi servent ces élections ? 

Thierry Soulié : Elles ont un double enjeu et sont un paradoxe !

Un enjeu régional, car les élus seront les interlocuteurs auprès des Agences Régionales de Santé qui s’occupent essentiellement de Santé publique, d’organisation et de distribution des soins en région dans le but d’améliorer le parcours de soins des usagers. 

Un enjeu national, car cette élection détermine aussi la représentativité des syndicats professionnels de santé, dont la principale activité est la défense des intérêts des praticiens à travers notamment, des négociations conventionnelles avec les Caisses d’Assurance Maladie. 

Mais aussi un paradoxe, car il n’est pas toujours aisé pour des représentants syndicaux habitués à défendre pied à pied les intérêts de leurs mandants de le faire aussi pour les patients dans une démarche de santé publique. Allier santé publique et défense de la profession, c’est pourtant le pari que nous avons toujours fait et que nous relèverons encore. Défendre les intérêts des praticiens sans les dissocier de ceux des patients, concilier santé publique et accès aux soins au bénéfice des praticiens, sont dans les gènes des CDF (ex- CNSD) depuis leur création, il y a plus de 85 ans. 

« Défendre les intérêts des praticiens sans les dissocier de ceux des patients »

CDF Mag : Quel est votre programme ?

T. S. : Nous n’en avons pas un, mais plusieurs ! Autant que de régions où nous présentons des candidats. Ces élections sont régionales, ne l’oublions pas, et les consoeurs et les confrères élus de tous les coins de France et d’outre-mer seront les représentants de la profession pour porter nos valeurs. Si certains sujets sont communs, comme les formations gratuites ouvertes aux praticiens, la prévention ou la prise en charge des personnes fragilisées liées à l’âge, au handicap, aux maladies chroniques…, il y a aussi des spécificités locales, comme la démographie ou la gestion des crises sanitaires comme celle que nous traversons actuellement. 

Mais je ne nie pas l’importance de la représentativité nationale. C’est évidemment LE sujet sur lequel se focalisent tous les regards. Notre programme part du constat que nous sommes des soignants, et que l’argent n’a rien d’incompatible avec notre métier. Notre métier est médical, de haute technicité avec des responsabilités qu’il faut assumer. Cela demande des compétences et un haut niveau d’études pour viser l’excellence que nous revendiquons. Au-delà des qualités de chacun, tout cela a un coût et mérite d’être bien rémunéré. Certains détournent le regard dès qu’il s’agit de parler d’argent, moi pas ! Un chirurgien-dentiste est un entrepreneur médical et l’argent n’est pas incompatible avec la santé, qui certes n’a pas de prix. Mais elle a un coût et il faut des moyens pour qu’un chirurgien-dentiste travaille sereinement dans de bonnes conditions. D’où notre slogan : soigner serein, soigner gagnant ! Je l’affirme, les chiffres le prouvent : avec les CDF, les praticiens ont toujours gagné. Ils gagnent, et s’ils nous font confiance, ils gagneront encore !

CDF Mag : S’ils vous font confiance ?

T. S. : Oui et j’espère que ce sera le cas, en dépit de ceux dont le seul programme est de dénigrer notre syndicat et nos actions en des termes qui ne leur font pas toujours honneur. Certes, la critique est nécessaire et indispensable. La confrontation et la concurrence permettent d’avancer, mais encore faut-il que ce soit argumenté sainement. Nous traversons une période difficile, génératrice d’angoisse, sur laquelle certains surfent en se défaussant sur ceux qui assument leurs responsabilités. C’est un fusil à un coup qui ne peut tromper les gens éternellement. Défendre la profession ne se résume pas à dire que tout va mal à cause de l’autre. Et avoir pour seul objectif d’éliminer un rival ne constitue pas un programme. Claironner pendant cinq ans le fait d’être majoritaire, n’en avoir rien fait et demander aujourd’hui la majorité absolue pour encore des promesses, relève de la supercherie, voire du « foutage de gueule ». Donc oui, j’espère que les praticiens reconnaîtront tout ce que le travail des CDF leur a apporté, avant et pendant cette crise et qu’ils voteront pour nous. 

CDF Mag : Vous serez 4 syndicats à concourir lors de ce scrutin.

T. S. : En effet, pour la première fois, nous serons 4 prétendants puisque le SFCD (Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes) entre en compétition. Mais si nous restons ouverts aux débats, nous nous interrogeons sur le message véhiculé par cette candidature et sur la multiplication des listes qui fait le bonheur des pouvoirs publics, dont le dogme est « diviser pour mieux régner »…. Outre leur programme politique assez voisin du nôtre, il ne faudrait pas que la diversité aboutisse à une fragmentation qui affaiblirait la profession et ferait le jeu d’alliances occultes ! Nous sommes également interpellés par l’affichage du genre. Imaginez les réactions à l’encontre d’un syndicat exclusivement masculin ! À ma connaissance, la démarche du SFCD n’existe dans aucune autre profession, et il n’est pas besoin d’un syndicat de femmes pour porter les revendications de nos consoeurs. D’autant que le premier syndicat en nombre d’adhérentes est Les CDF, qui ont de tout temps combattu pour que les femmes exercent leur métier en parfaite égalité et sereinement. Que ce soit en matière de sécurité lors de la permanence des soins et plus généralement dans la lutte contre les violences faites aux femmes ou encore, pour tout ce qui concerne la maternité et les indemnités qu’elles sont en droit d’obtenir afin de concilier parentalité et travail libéral. Il nous semble que cela a encore plus de poids quand nous portons ces revendications ensemble au sein d’une même famille, d’un même syndicat. D’autant que les femmes ont toujours tenu une place importante au sein des CDF : Catherine Mojaïsky, pendant 6 ans à la présidence de la confédération, en est la preuve. De plus, nous avons fait en sorte, autant que possible, que nos listes respectent la parité et que dans plusieurs régions des femmes soient à leur tête. 

CDF Mag : La Convention reste au coeur de l’actualité, avez-vous des retours ?

T. S. : Le contexte sanitaire, la fermeture des cabinets lors du premier confinement en 2020 puis la forte reprise qui a suivi, ne permettent pas de comparer avec exactitude la situation avec les années précédentes. Il est donc difficile de tirer des conclusions définitives. Mais les chiffres démontrent que l’activité des cabinets a repris de façon quasi normale, soutenue par un meilleur accès aux soins, c’est incontestable. Comment expliquer que les praticiens aient comblé en grande partie les pertes liées au premier confinement et qu’à situation comparable, ils s’en sortent bien mieux que nos confrères des pays voisins, sinon par l’existence de la Convention ! N’oublions pas que, dans le même temps, une grande majorité des professions libérales a enregistré de lourdes pertes et que des pans entiers de notre économie se sont effondrés !

On ne va pas refaire l’histoire. Il a fallu presque deux ans de négociations pour sortir du règlement arbitral unanimement rejeté, et trouver un accord au contenu meilleur dans le contexte politique du RAC0. Nous avons été bien inspirés de le faire, car qui peut raisonnablement penser, connaissant les ravages économiques et les déficits que cette pandémie entraîne, que nous obtiendrions mieux si nous devions négocier aujourd’hui ? Heureusement que des syndicats responsables étaient là pour éviter le joug des plafonds dégressifs du règlement arbitral, qui auraient incité les patients à toujours repousser leurs soins, et ses désastreuses clauses de sauvegarde, qui prévoyaient le blocage des revalorisations et la baisse des plafonds. Sans perspective de nouvelles négociations ni aides compensatoires négociées par les CDF avec le directeur de l’UNCAM, voilà où nous aurait amené le « no négo, no deal » fanfaronné par la FSDL, dont je me demande si elle croit vraiment ce qu’elle dit.

« Les praticiens ont comblé en grande partie les pertes liées au premier confinement grâce à la convention ! »

CDF Mag : Justement, la FSDL parle de négocier une autre convention… 

T. S. : Elle n’est pas à une contradiction près ! Mais il n’est jamais trop tard pour changer d’avis… et promettre ce qu’elle ne tiendra pas ! Au-delà des mots, concrètement, cela veut dire quoi, « une autre convention » ? Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant, personne ne l’a empêchée ! Qui peut croire que ce qu’elle n’a pas négocié pendant qu’elle était majoritaire, elle le fera demain ? Quand on est majoritaire, on assume. On ne peut claironner à longueur de publications que les CDF sont minoritaires et faire croire qu’elle n’avait pas le pouvoir ; le pouvoir, elle l’a eu, mais qu’en a-t-elle fait ? Il faut arrêter de prendre les confrères pour des imbéciles, la politique d’affichage et de fake-news sur les réseaux sociaux a ses limites. Elle a démontré clairement que son fonds de commerce est la critique et sa place dans l’opposition, pas dans la conduite des affaires ! 

« J’affirme, les chiffres le prouvent : les praticiens ont toujours gagné avec les CDF. Ils gagnent, et s’ils nous font confiance, ils gagneront encore ! »

Cette Convention comme les précédentes et celles qui suivront ne sont que des étapes. Celle-ci a fait évoluer en priorité les actes que nous ferons toujours en acceptant de plafonner ceux que nous ferons de moins en moins. L’avenir n’est pas la prothèse, même si elle aura toujours sa place. L’avenir, c’est la prévention, la conservation de l’organe dentaire et des tissus de soutien, la prise en compte des pathologies chroniques... Bref, une plus grande médicalité. Cette convention ne résout pas tout loin s’en faut, il y a des choses à corriger, notamment en prothèse adjointe, où nous savons depuis le début qu’il faut revoir certains points. Un groupe de travail était prévu pour traiter de ce dossier, mais la crise sanitaire et le changement de gouvernance à la tête de l’UNCAM nous ont empêchés de nous réunir. Ce groupe va être réactivé. Mais au-delà des imperfections, cette convention ouvre la voie vers cette philosophie préventive et soignante. La prochaine devra aller plus loin encore, au fur et à mesure des évolutions et des techniques nouvelles. Le tout dans une politique d’accès aux soins qui ménage un équilibre entre les actes opposables et ceux bénéficiant de la liberté d’honoraires. Dans notre métier, il faut les deux. Nous l’avons toujours dit et le maintenons toujours.

CDF Mag : Vous parlez de liberté. Mais la convention acte des plafonds d’honoraires, n’est-ce pas contradictoire avec l’exercice d’une profession libérale ?

T. S. : Je suis viscéralement attaché à l’exercice libéral, mais beaucoup de confrères confondent liberté et exercice libéral. Un professionnel libéral est un travailleur indépendant, ce qui lui confère une certaine liberté, mais pas LA liberté. Pour nous, praticiens libéraux de santé, nous exerçons notre activité de soins dans un cadre réglementé dans l’intérêt des patients. C’est d’ailleurs la politique des CDF de ne JAMAIS DISSOCIER l’intérêt des praticiens de celui des patients. Quant à la liberté, elle n’existe pas sans contraintes et sans concurrence. Faire croire qu’en matière de santé, elle serait notre planche de salut, est au mieux une erreur de jugement, au pire une tromperie coupable. En ce qui nous concerne, les plafonds sont dans l’air du temps depuis plus de 20 ans. Ignorer cela, c’est ignorer le fonctionnement assuranciel et le principe de la gestion du risque.

Moi aussi, je suis capable de dire : « Je veux une autre convention avec des honoraires opposables au tarif que je veux. Et si ce n’est pas le cas, des honoraires libres avec la sécu qui remboursera ce qu’elle peut et les complémentaires qui suivront ». Qui peut croire un tel discours ? Qui peut penser une minute qu’un tel monde existe et que nous serions une exception dans le monde de la santé ? Il faut arrêter de tromper les confrères et de leur faire miroiter des choses qu’ils ne verront jamais ! Les plafonds n’ont pas été créés par les CDF, mais négociés au mieux par les CDF. Ils existaient déjà en prothèse il y a 30 ans. Nous avions réussi à les faire suspendre « temporairement », car c’était indispensable, mais il était écrit « en attente de… ». Nous étions en 1991 et nous savions qu’ils resurgiraient. Mais rien n’est immuable, s’il faut les refaire sauter un jour, on se battra pour ça ; ignorer cela c’est méconnaître l’histoire !

Les plafonds sont une réalité économique dans notre domaine comme dans d’autres et quand ils sont absents, ils existent de manière bien plus insidieuse par la loi du marché. Chez nous ils ont pour noms : réseaux de soins et centres de santé, dont la finalité est de faire baisser les honoraires. Et cela de manière bien plus drastique et sans négociation ! Une politique de totale liberté des honoraires serait lourde de conséquences pour nos confrères ; elle conduirait au blocage des bases de remboursement et à une diminution de l’accès aux soins. En cela, elle ferait le lit des réseaux de soins et des centres de santé. J’en reviens à la Convention actuelle. Il était grand temps de donner des atouts aux chirurgiens-dentistes libéraux pour leur permettre de lutter contre cette concurrence sauvage afin de conserver leur liberté d’exercer comme ils l’entendent. Je conçois que cette convention ne plaise pas à tout le monde. Mais la politique des CDF n’est pas de plaire à tout le monde ; même avec la meilleure volonté, c’est impossible. Notre politique est de faire en sorte que le maximum de confrères soigne sereinement toute la population et reste gagnant. Sans cette Convention, ce serait loin d’être le cas !

«Les plafonds n’ont pas été créés par les CDF mais négociés au mieux par les CDF »

CDF Mag : Qu’est-ce qui peut pousser les praticiens à voter pour Les CDF lors de ce scrutin ?

T. S. : La compréhension, l’observation et la confiance ! 

La compréhension que notre syndicat est présent pour aider par tout temps tous les praticiens : par temps « calme » mais aussi quand il y a tempête comme lors du confinement où nous avons obtenu des aides compensatoires qui dans les textes ne concernaient pas les chirurgiens-dentistes. Mais c’est aussi comprendre le monde qui nous entoure et le fait que rien ne nous est dû, ni définitivement acquis. Tout se gagne à force de travail, d’abnégation, de patience et, en dépit de période de découragement, toujours avec pugnacité et confiance en l’avenir. Les revendications sont une ligne d’arrivée toujours en mouvement qui ne sera jamais franchie. En ce sens, nous ne serons jamais pleinement satisfaits des résultats obtenus dans la mesure où le meilleur reste à venir.

L’observation de l’histoire. Notre syndicat est par essence combatif, humaniste et démocratique en respectant les décisions qui viennent toujours de notre base et qui sont donc le reflet d’une majorité. Nous ne sommes pas un syndicat de division, mais d’adhésion où chacune et chacun trouve sa place pour s’exprimer librement. Nous avons été à l’origine de la plupart des avancées dont les praticiens bénéficient aujourd’hui, à commencer par la liberté de prescription et la reconnaissance de notre capacité médicale. Cela paraît désuet, mais cette indépendance et ces libertés, nous les devons aux combats menés jadis par nos aînés. Nous sommes dans le prolongement de ce qu’ils ont fait et nous nous battrons toujours pour conserver cette capacité médicale si difficilement acquise. À l’heure de projections démographiques inquiétantes avec le risque de fragmentation des professions et de l’accès partiel, de nombreuses professions lorgnent sur notre champ de compétences. Il est plus que jamais temps de renforcer le cursus médical dès la formation initiale du futur médecin bucco-dentaire. Il en va de l’avenir de nos jeunes consoeurs et confrères et de notre belle profession. Nous enregistrons l’arrivée de jeunes recrues porteuses d’avenir qui s’inscrivent dans cette logique. C’est une excellente chose pour la profession et notre syndicat, car j’affirme qu’avec les CDF (ex-CNSD), vous n’avez jamais perdu et que cela continuera.

La confiance dans les femmes et les hommes qui composent notre mouvement et qui portent une image positive de notre métier. Représenter une profession à haut niveau demande du courage, des convictions, mais aussi une expertise ainsi que la connaissance des dossiers. Notre vision de l’avenir nous permet de construire une politique cohérente, crédible et en mesure d’être entendue de tous, praticiens et tutelle. C’est notre ADN et votre garantie !

Soigner serein, soigner gagnant, soyez sereins et soyez gagnants avec les CDF !