Une cohérence à construire

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25 mai 2023
La réforme des retraites, qui continue à faire grand bruit, n’a modifié que le régime de base. C’est désormais à la CARCDSF de décider de l’adaptation des nouvelles mesures aux régimes complémentaires qu’elle gère également. L’objectif est de trouver une cohérence d’ensemble qui soit bénéfique à tous ses affiliés.

En moyenne, les chirurgiens-dentistes partent à la retraite à 65,2 ans, au-delà de l’âge de départ à 64 ans instauré par la réforme actuelle qui ne concerne que le régime de base et pas les régimes complémentaires. Ces derniers sont indépendants, avec des règles qui sont différentes. C’est là que le A d’autonomie de la CARCDSF prend toute sa valeur, puisqu’il donne la liberté de se calquer (ou non) sur le fonctionnement du régime de base (RBL). En balayant la liste des mesures de cette dernière réforme, plusieurs questions se posent aux administrateurs de la CARCDSF sur l’alignement des règles de fonctionnement de ses régimes complémentaires sur celles du RBL.

Le cumul emploi retraite (CER)

Avec la réforme, les assurés qui rempliront les conditions propres au cumul emploi-retraite intégral bénéficieront de la mesure de création de droit pour leur RBL. Seuls des droits contributifs (c’est-à-dire par paiement de cotisations) pourront être constitués pour la liquidation de la seconde pension, qui bénéficiera alors du taux plein sans décote, ni surcote et son montant ne pourra pas dépasser un plafond annuel fixé par décret. Mais après la liquidation d’une seconde pension, aucun droit supplémentaire ne pourra plus être constitué, dans tout régime de base et complémentaire, en cas de nouvelle reprise d’activité. La retraite du RBL doit obligatoirement être liquidée pour pouvoir bénéficier du CER. Par ailleurs, afin de bénéficier du CER intégral (CERI), il est indispensable d’avoir liquidé l’ensemble de ses retraites personnelles auprès de tous les régimes de retraite obligatoires (de base et complémentaires, français et étrangers) dont on relève, mais aussi d’avoir atteint soit l’âge de la retraite à taux plein (67 ans), soit la durée nécessaire pour bénéficier d’une retraite de base à taux plein, c’est-à-dire 64 ans avec validation du nombre de trimestres nécessaires suivant sa génération (voir tableau ci-dessous).

La question qui se pose aux administrateurs de la CARCDSF est de déterminer si le CERI concernera aussi les régimes complémentaires et si cette règle de base s’appliquera aussi à ces régimes. Ainsi, les cotisations obligatoires aux régimes complémentaires leur apporteraient de nouveaux droits, comme dans le RBL. Mais cela nécessite une modification des statuts de la CARCDSF avec un vote favorable à la double majorité du conseil d’administration (ici, cela peut aller assez vite) et approbation de cette modification par la tutelle (et là, le conseil d'administration de la CARCDSF n'est pas maître du temps dans les ministères ).

Quand sera-t-il possible de demander sa retraite ?

L’âge de départ passera progressivement en RBL de 62 à 64 ans. Pour les personnes nées entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961, il sera de 62 ans et 3 mois, puis augmentera d’un trimestre à chaque année de naissance suivante, pour atteindre 64 ans pour les générations nées à partir de 1968. L’âge du taux plein reste fixé à 67 ans (âge légal + 3 ans). Mais il est aussi possible d’obtenir le taux plein par la durée pendant laquelle on a validé des droits : c’est la durée d’assurance.

Rappel : le taux plein, c’est l’obtention d’une retraite sans décote soit par l’âge (67 ans) soit par un nombre de trimestres validés suffisant par rapport à sa classe d’âge. Exemple : 166 trimestres pour les générations nées en 1955, 1956 et 1957 et 167 trimestres pour les générations nées en 1958, 1959 et 1960. Si la précédente réforme de 2013 prévoyait de faire passer ce nombre à 172 à raison d’une augmentation d’un trimestre toutes les 3 années, la nouvelle réforme augmente cette vitesse de transition. Pour les générations nées entre le 1er janvier et le 31 août 1961, le nombre de trimestres reste de 168 mais pour celles nées à partir du 1er septembre 1961, le nombre de trimestres augmente peu à peu. Il passera à 169 pour ceux nées entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1962 et augmente ensuite à raison d’un trimestre pour chaque génération.

âge légal et durée d'assurance

Pour les régimes complémentaires (Régime complémentaire vieillesse RC et Prestations complémentaires vieillesse PCV) des chirurgiens-dentistes, leurs statuts respectifs prévoient un âge de départ à la retraite à taux plein à 67 ans sans référence à une durée d’assurance. Il était donc possible de demander sa retraite à partir de 62 ans, en contrepartie d’une minoration de sa pension complémentaire de 1,5% par trimestre d’anticipation pour le RC (soit 30 % au maximum) et de 1,25 % pour le PCV (soit 25 % maximum). Aujourd’hui, les administrateurs de la CARCDSF devront décider s’ils alignent ou pas cette règle avec un âge de départ à 64 ans ou laissent les règles telles quelles.

Extension de la majoration pour 3 enfants

Le bénéfice de la majoration de 10 % de la pension du régime de base pour trois enfants et plus, financée par la Caisse nationale d’allocations familiales, est étendu aux professionnels libéraux et aux avocats à compter du 1er septembre 2023. Ces professions en étaient jusqu’alors privées alors qu’elles contribuent au financement de cet avantage, par le biais des cotisations d’allocations familiales, de la CSG et de divers impôts dont elles s’acquittent. C’était, depuis de nombreuses années, une demande récurrente des syndicats de professionnels libéraux, dont les CDF, afin de pouvoir en bénéficier. Cette majoration était déjà appliquée dans les régimes complémentaires.

Carrières longues et retraites anticipées

Grâce à cette réforme, les professions libérales bénéficieront du dispositif de retraite anticipée, ce qui n’était pas le cas auparavant.

  • Dispositif des carrières longues

Avec la réforme du Gouvernement :

- ceux ayant commencé à travailler avant 16 ans pourront partir dès 58 ans ;

- ceux ayant commencé à travailler entre 16 ans et 18 ans pourront faire valoir leurs droits à partir 60 ans ;

- ceux ayant commencé à travailler entre 18 et 20 ans pourront bénéficier de la retraite, à terme, à 62 ans.

- ceux ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront bénéficier de la retraite, à terme, à 63 ans.

  • Dispositif des retraites anticipées

Les conditions actuelles de départs anticipés seront préservées pour les personnes concernées par les systèmes de reconnaissance du handicap (départ à partir de 55 ans à taux plein), de l'invalidité (à partir de 62 ans), de l'inaptitude (à partir de 62 ans) ou de l'exposition à l'amiante (à partir de 50 ans).

Les salariés ayant subi un accident du travail ou une maladie professionnelle pourront toujours, sous conditions, partir à la retraite deux ans avant l'âge légal (62 ans dorénavant).

  • Une surcote pour les femmes

La réforme prévoit d'appliquer une surcote pour les mères de famille ayant cotisé autant de trimestres que nécessaire pour avoir une retraite à taux plein à 63 ans, mais qui doivent attendre encore un an pour pouvoir partir à la retraite. Cette surcote pourra atteindre 5 % et est réservée aux personnes du public et du privé ayant obtenu au moins un trimestre de majoration au titre de la maternité, de l'adoption ou de l'éducation des enfants. Cette mesure est censée amortir le choc du report de l'âge légal qui fera perdre à nombre de mères de famille une grande partie du bénéfice des trimestres acquis au titre de la maternité.

Les administrateurs de la CARCDSF devront donc là aussi déterminer si les chirurgiens-dentistes bénéficieront dans leurs régimes complémentaires de la prise en compte des dispositifs de carrières longues ou de retraite anticipée, en particulier dans l’articulation entre l’invalidité et la retraite par inaptitude.

Retraite progressive

L’ensemble des travailleurs indépendants bénéficie désormais de la retraite progressive. Des décrets à paraître définiront la part de retraite servie en fonction de la diminution des revenus professionnels. Là encore, les administrateurs de la CARCDSF détermineront si les chirurgiens-dentistes bénéficieront de la retraite progressive dans leurs régimes complémentaires.

Conclusion

Ainsi, la réforme des retraites du régime de base est applicable mais il reste de nombreux sujets en suspens par rapport à la retraite en général, liés à des décisions à prendre et à la publication de décrets d’application. Les CDF et ses représentant au conseil d’administration de la CARCDSF concilieront l’application de cette réforme dans les différents régimes de retraite, et veilleront à ne pas compliquer les règles tout en ne laissant pas déraper les frais de gestion.

Marc Bouziges, président du Pôle Entreprise libérale