On connaît l’avant, jamais l’après ! C’est pourquoi il est bon de se pencher de temps en temps sur le passé, afin d’éviter autant que possible les pièges du futur.
Avant !
Il était prévu, lors des négociations de la convention signée en 2018, une mise en application progressive des mesures étalées sur 5 ans. Nous arrivons au terme de ce processus ; la 5e et dernière étape de revalorisations entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Tous les éléments sont décrits dans le flyer inséré dans le CDF Mag n°2008-2009. Il fait suite aux précédents qui ont détaillé de manière claire et synthétique, l’ensemble des mesures inscrites dans le texte conventionnel.
Historiquement, les conventions ont pour objet de « coller » aux exigences de l’époque à laquelle elles sont signées. Elles doivent répondre à une quadrature du cercle entre :
- les orientations ministérielles qui fixent le cadre des négociations,
- les revendications des syndicats représentatifs,
- les impératifs économiques des financeurs (assurances maladie obligatoire et complémentaires),
- et la pression des citoyens, des associations de consommateurs et autres lobbies rarement favorables à nos professions.
Le tournant 2018
Prévention, intervention précoce, médicalité, tels étaient les grands thèmes de la convention 2018 qui a marqué un tournant, dans la mesure où l’enjeu était :
• d’engager la profession dans un rééquilibrage des honoraires, partant du principe que les actes opposables étaient insuffisamment valorisés, ce qui laissait aux actes libres la « responsabilité » d’assurer l’équilibre économique des cabinets. Mais si cette situation a pu « convenir » jadis, elle ne pouvait perdurer indéfiniment et finissait par aboutir à des dérives préjudiciables tant pour les patients que pour les praticiens. C’est ainsi que le ministère avait fixé pour objectif de plafonner certains actes de prothèses en « échange » de revalorisations d’actes opposables de soins conservateurs et chirurgicaux. Bien que significatives, ces dernières sont encore insuffisantes ;
• d’investir résolument dans la prévention :
- par l’extension de l’EBD à des classes d’âges qui sensibilisent très tôt les parents (examen de l’enfant dès 3 ans) et chez le jeune adulte (21 et 24 ans),
- par une expérimentation (EXPRESO), lancée dans 2 régions (Bretagne et Pays de la Loire) avant d’être étendue à tout le territoire,
- prise en charge de nouveaux actes (vernis fluorés),
- revalorisation des scellements de sillons qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023 ;
• de favoriser une dentisterie « a minima » plus conservatrice par la prise en charge du coiffage pulpaire et améliorer celle de la dentisterie adhésive (inlay-onlay), afin de limiter respectivement et autant que possible, les traitements endodontiques et les couronnes ;
• de mieux prendre en compte les pathologies chroniques…
- dans le cadre du diabète par exemple avec une base de remboursement d’un bilan et de l’assainissement parodontal par sextants,
- chez le patient sous AVK ou AOD avec une majoration sur les actes d’avulsions,
- sans oublier les patients en situation de handicap pour lesquels des majorations spécifiques donnent davantage de moyens aux praticiens libéraux dans les cabinets de ville.
Les contreparties financières aux revalorisations ont été la création de trois paniers (100 % Santé, modéré et libre) dont deux sont plafonnés, en plus du 4e à l’intention des bénéficiaires de la C2S issue de la fusion de la CMU-C et de l’ACS. L’ensemble améliore l’accès aux soins, notamment des personnes en difficulté financière. Il est bon de rappeler que tout cela a été rendu possible grâce à l’effort partagé des trois partenaires : assurance maladie, complémentaires santé et praticiens.
Il n’est pas question de détailler ici l’ensemble des mesures, l’objet étant plutôt de resituer le contexte politique et les objectifs poursuivis par cette convention à visée plus préventive et plus médicale. Il est indéniable que sur bon nombre d’items, elle a en grande partie répondu présent. Rien que pour ces éléments, il était opportun de signer ce texte qui, incontestablement, a solvabilisé les patients surtout lorsqu’une crise économique impacte sérieusement leur pouvoir d’achat. Dans le même temps, elle a contribué significativement à soutenir l’activité des cabinets dentaire particulièrement dans la période actuelle où de nombreux praticiens se seraient trouvés en grandes difficultés économiques.
Après !
Mais comme nous l’avions dit lors de la signature : « Cette convention n’est pas parfaite, elle n’est qu’une étape, elle devra évoluer » ! Pour 2 raisons essentielles :
- des éléments contenus dans le texte n’ont pu encore aboutir : mesures démographiques, clauses de revoyure, actes opposables encore loin de leur tarif cible comme en endodontie, redéfinition du périmètre du panier modéré, notamment en prothèse adjointe, urgences, etc. ;
- des événements « extérieurs » que l’on ne pouvait imaginer, qui remettent en cause les équilibres négociés : crise Covid, inflation, pénurie de certaines fournitures entraînant leur cherté, etc.
Autant de facteurs qu’il faudra prendre en compte dans un proche avenir.
Une convention a une durée de 5 ans, renouvelable pour une période d’une durée identique… à moins qu’un des partenaires ne s’oppose à sa reconduction. Dans ce cas, une nouvelle devra être négociée. Tous ces éléments ont fait l’objet d’une explication précise, factuelle et objective par Catherine Mojaïsky dans le CDF Mag du 22 septembre 2022.
Mais politiquement, pour les CDF, la convention 2018 doit servir de socle à une négociation en 2023 d’avenants pour l’améliorer. Ne pas la reconduire dans la situation actuelle, fait prendre de gros risques à la profession dans la mesure où :
- elle redonne la main au gouvernement qui fixera le cadre de ces négociations (dans la situation actuelle, nul ne sait ce qu’il en adviendra),
- elle mettra les responsables syndicaux dans l’obligation d’en négocier une nouvelle, avec en cas d’échec, la mise en place d’un règlement arbitral.
Le pire n’est jamais sûr ; nous avons su l’éviter de justesse en 2019 ! L’avenir dira si l’histoire se répète. Mais il est grand temps de ne pas se laisser abuser par la petite musique entendue ci et là de la part de responsables de la FSDL qui fredonnent que d’avoir dénoncé la convention serait sans risque car « de toute façon nous ne signerons jamais, les CDF le feront pour nous…».
Outre le fait que cette attitude est stupide, celles et ceux qui le chantent « se mettent le doigt dans l’oeil » ! Les CDF ne seront pas le parachute de l’inconséquence de décisions inconsidérées prises dogmatiquement : ne pas reconduire une convention ne garantit aucunement que la nouvelle sera meilleure et s’il s’avérait qu'elle ne le soit pas, les CDF ne la signeraient pas !
Retrouvez ce qui change le 1er janvier 2023
Thierry Soulié, Rédacteur en chef