Mêmes causes, mêmes effets !

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16 février 2022
Les révélations du livre-enquête, « Les Fossoyeurs » (1), paru le 26 janvier, ont provoqué un choc médiatique.

L’ouvrage ne révèle pourtant rien de plus que ce que tout le monde savait déjà à propos des « mouroirs de la République » (2) et des « EHPAD-pénitenciers » (3). Mais ce que l’opinion oublie et oubliera, les acteurs de la scène politique ne pouvaient le laisser passer en période électorale, sans réagir. L’écho de l’affaire est donc conséquent.

L’enquête du journaliste est excellente et l’écriture fluide, détaillant un système où les soins à la personne, sa prise en charge médicale, et jusqu’aux repas, tout est « rationné » selon un schéma orienté vers un seul indicateur : la rentabilité. Le fonctionnement est bien réfléchi pour maximaliser les profits et tient en une seule règle : toujours plus d’économie, plus de restrictions sur tous les moyens, même ceux concernant la sécurité sanitaire.

Certaines descriptions rappellent immanquablement plusieurs passages des rapports successifs de l’IGAS qui ont suivi le scandale Dentexia

En parcourant le livre, on est parfois saisi d’une impression de déjà-vu, déjà-lu ! Certaines descriptions rappellent immanquablement plusieurs passages des rapports successifs de l’IGAS qui ont suivi le scandale Dentexia (4). On retrouve des séquences quasi-identiques, détaillant le modèle économique, porté au zénith par les dérégulateurs du « marché de la santé », reléguant aux oubliettes la dignité de la personne humaine et plaçant les soins médicaux dans le champ des biens marchands.

Les manageurs des EHPAD, comme les « philanthropes » des centres low-cost n’ont fait que suivre. Ils profitent des aides directes de l’État (5) et de cette « aide indirecte » (ou cette « complicité passive ») des pouvoirs publics, dès lors qu’ils ne sont que rarement contrôlés ! Ce sont les intouchables du système de santé. Nos alertes, accueillies avec condescendance, sont rarement suivies d’enquêtes. Et toutes les mises en garde de l’IGAS ne dépassent jamais le stade des rapports. Parce qu’elles remettent en cause, et en profondeur, le modèle économique de « libre » (de sauvage) concurrence.

Comme dans l’affaire des EHPAD, dans les épais dossiers des centres low-cost, on a droit à une série d’annonces publiques sous le registre de la morale, assorties de promesses de corriger et de surveiller, de contrôler et de vérifier, etc. Mais tout le monde sait que, passé le show médiatique qu’impose l’émotion de l’opinion publique, le sujet ne sera plus évoqué… jusqu’au prochain scandale !

À moins d’une prise de conscience par les acteurs publics. La morale ne suffit plus. Seuls la politique et le droit6 peuvent nous permettre de remettre la dignité de la personne humaine au coeur de tout modèle de prise en charge sanitaire.

Marc Sabek Vice-président

 

  1. Victor Castanet, éditions Fayard, Paris, 2022. A quand un livre-enquête sur les faussaires dans les centres low-cost?!
  2. https://www.huffingtonpost.fr/patricia-duthion/ephad-maison-retraite-temoignage_b_8961514.html
  3. https://www.lanouvellerepublique.fr/chatellerault/ce-n-est-pas-un-ehpad-mais-un-penitencier-un-mouroir
  4. « L’association Dentexia, des centres de santé dentaire… », juillet 2016, « Les centres de santé dentaires : propositions pour un encadrement améliorant la sécurité des soins », janvier 2017
  5. Un autre pousse-au-crime, l’argent public ! Tous les Ehpad, qu’ils soient publics ou privés, sont financés par l’État via l’aide à l’autonomie. Et les centres de santé bénéficient d’une aide de 11,5 % de leur masse salariale, de primes conventionnelles (1,6 % de leurs recettes), d’un abattement jusqu’à 20,262 € sur la taxe sur les salaires, d’aides des collectivités territoriales…
  6. Une proposition de loi visant à mieux encadrer l’ouverture et le fonctionnement des centres de santé a été déposée à l’Assemblée nationale le 25 janvier 2022. Espérons qu’elle aboutisse cette fois-ci !