Nous y avions rappelé, pour la dixième fois au moins (!), le mécanisme de tromperie des centres associatifs low-cost où la gestion effective est confiée à des sociétés commerciales, en violation flagrante de la loi qui prévoit que « le centre de santé est géré par un organisme à but non lucratif dont la gestion doit être désintéressée » (3).
Nos alertes remontent à début 2012 (4), quand la loi HPST commençait à produire ses effets pervers. D’emblée, nous avions posé la question du coût humain, en matière de santé publique ; « Le low-cost à quel prix ? » (5). Depuis, nous n’avons cessé d’apporter démonstrations et preuves, alertes et communiqués, dossiers et témoignages, sur la fraude, les falsifications, l’escroquerie des faux « philanthropes ».
« Avec l’Ordre, nous étions bien seuls » (6), à les affronter devant les tribunaux (7), à mettre au jour leur fonctionnement et à mettre en garde contre les risques sanitaires. Depuis sept ans, nous présentons, à chaque loi de financement de la sécurité sociale, une proposition argumentée et structurée pour intégrer à l’article L.6323-1 du code de la santé publique, une autorisation préalable de l’ARS à toute création de centre dentaire. À chaque low-cost dentaire ouvert en milieu urbain déjà saturé, nous rappelons que les centres associatifs doivent s’installer dans les territoires démographiquement démunis où, selon la loi, leur mission est d’apporter les soins de premiers recours…
Mais chez les élus, comme chez les hauts fonctionnaires, nous n’avons rencontré qu’une sourde oreille ou un regard condescendant. Nous ne défendions que notre profession, pensaient-ils !
Du bout des doigts, le ministère a répondu avec l’ordonnance du 12 janvier 2018 (relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé), une mouture délavée du projet initial, une réforme avortée (8).
À nos démonstrations, il faut ajouter les constats de l’IGAS qui n’ont pas réussi à ébranler les décideurs
À toutes nos démonstrations, il faut ajouter les constats éloquents de l’IGAS qui n’ont pas réussi à ébranler la conscience des décideurs : « ...des pratiques commerciales pouvaient contredire les objectifs assignés par la loi… » ou encore : « La mission attire l’attention des décideurs sur la nécessité de définir rapidement des critères de vigilance pour activer des contrôles ciblés et associant, en tant que de besoin, les autres services de l’État compétents, sur tout centre dentaire présentant un risque de dérive commerciale » (9). Ces rapports, les conclusions des experts, les évidences partagées par tous, n’y font rien ; le même drame se répète encore et encore !
Réagissant au dernier scandale (« Proxidentaire », à Belfort et en Côte-d’Or), le ministre de la Santé, a déclaré : « Ces centres sont de l’escroquerie et un danger public. J’ai demandé, le vendredi 24 septembre 2021, aux Agences régionales de santé de me donner la liste exhaustive de tous ceux qui sont identifiés comme déviants pour les empêcher de développer d’autres centres et qu’on les attaque en justice. »
Jusque-là, il ne savait pas !
Marc Sabek Vice-président
1. Le Chirurgien-Dentiste de France n° 1860 du 3 octobre 2019. 2. T. Soulié : L’esprit du lucre, ibid. 3. Ch. Daniel, P. Vienne, IGAS : Les centres de santé dentaires : propositions pour un encadrement améliorant la sécurité des soins, La Documentation Française, janvier 2017, tome I, pages 54 et s. 4. Roland L’Herron : « Santé low-cost ou santé publique » (édito), Le Chirurgien Dentiste de France n° 1517 du 23 février 2012. 5. Ibid. 6. Le Chirurgien Dentiste de France no 1697-1698 du 25 février - 3 mars 2016. 7. Dernier épisode : « Information ou concurrence, les juges tranchent » : CDF Mag 1947 du 2 septembre 2021. 8. Le Chirurgien-Dentiste de France n° 1791-1792 du 15-22 mars 2018. 9. Ch. Daniel, P. Vienne, IGAS, op. cit., p. 50.