« La loi devrait être solennelle, brève et permanente. Elle est aujourd'hui bavarde, précaire et banalisée. »1
À partir de quelques cas contrôlés par la CPAM, celle-ci peut extrapoler les constats qu’elle en déduit à toute l’activité du professionnel ! Avec des conclusions tirées à partir de données partielles, la caisse fixe alors le montant de l’indu à payer par le praticien, sans autre forme de procès. À lui d’aller ensuite se débattre dans les arcanes insondables des procédures administratives et judiciaires, souvent hermétiques et coûteuses, pour prouver sa bonne foi.
L’indu empirique viendrait s’ajouter à six autres procédures de sanction déjà en vigueur et que les caisses peuvent activer simultanément contre un professionnel de santé après contrôle d’activité : la répétition de l’indu fondée sur la preuve, la plainte disciplinaire (devant la chambre disciplinaire), la plainte devant la section des assurances sociales, la plainte pénale, la pénalité financière et le déconventionnement. Ces procédures, progressivement ajoutées pour parfaire le combat contre les fraudeurs, sont largement suffisantes à condition qu’elles soient appliquées.
Qu’importe, chaque année, la loi en a rajouté. Pour ne citer que deux exemples, en 2018, on a aggravé le quantum de la pénalité financière qui est passé de 50 % à 70 % et, en 2020, on a créé une procédure de déconventionnement en urgence - expéditive - des professionnels de santé.
Cette année, on innove donc avec l’extrapolation. Les caisses obtiendraient un permis de demander une récupération de sommes dont la réalité n’a jamais été constatée ! On peut douter de la constitutionnalité d’une telle disposition. On peut s’interroger sur la conformité aux droits de la défense2 de ce régime du « coupable jusqu’à preuve du contraire ».
On peut douter de la constitutionnalité d’une telle disposition.
Les débats parlementaires d’un côté et le discours de l’Assurance maladie3 de l’autre permettent de douter du prétexte avancé : lutter plus efficacement contre la fraude. Cette inflation de la loi, sans pareille dans d’autres secteurs d’activité, produira surtout l’indifférence, car « Qui dit inflation dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite »4.
Marc Sabek, 1er vice-président
1. Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d’État, Journal du Dimanche, 21 janvier 2001.
2. Voir l’article L.315-1, IV, in fine du code de la sécurité sociale
3. https://assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/2022-09-30-dp-lutte-contre-la-fraude-Assurance-Maladie.pdf
4. Expression utilisée par le Conseil d'État dans son étude annuelle « De la sécurité juridique », 1991, p. 17.